Lier vieillissement et féminisme dans les coursives animées des habitats coopératifs

Par Cindy Pahaut -octobre 2022

Dans notre société occidentale traversée par de nombreuses crises, des spécialistes constatent une tendance à la hausse des disparités sociales qui conduisent à des discriminations. Les FEMMES ÂGÉES subissent particulièrement cet ISOLEMENT qui est préjudiciable non seulement à leur santé sociale, mais également à leur SANTÉ MORALE ET PHYSIQUE et est cause de DÉCÈS PRÉCOCES.

Cette disgrâce est-elle une fatalité ?
L’ « HABITAT » coopératif ne pourrait-il pas être un
des moyens pour la contrer ? Et si oui, quels en sont ses fondements ?

 chteau ambulant H

 

INTRODUCTION 

L’âgisme est « l’ensemble des attitudes, stéréotypes et pratiques discriminatoires envers les personnes catégorisées comme « vieilles » »[1], notamment celle de leur refuser l’accès à un bénéfice « pour la seule raison de [leur] âge, sans rapport avec [leurs] capacités, [leurs] désirs»[2]. Il se traduit par l'exclusion des plus âgé∙e∙s notamment sur le marché de l'emploi, une infantilisation, voire de la manipulation, des violences physiques et économiques. La pandémie a révélé comment les stéréotypes âgistes ont amené à isoler plus que jamais les personnes âgées contre leur gré, notamment dans les services médicaux[3] et les maisons de repos.  

Se basant sur des études, S. Adam[4] constate également que les attitudes âgistes sont globalement en augmentation depuis plusieurs décennies dans notre société occidentale[5]. Ce qu’il explique entre autres par le fait que la dépendance économique et sociale supposée des personnes âgées d’une part les positionne dans « un rapport social de domination dans lequel le devenir d’un individu est soumis à la décision d’autrui »[6] et, d’autre part, les définit comme des personnes par essence non autonomes. Ce manque d’autonomie, qu’il soit fantasmé ou avéré, est mal vu dans une société qui favorise le productivisme[7] et tend à dédaigner toute personne considérée comme « inactive » (ainsi les chômeur∙se∙s ou les sans-papier qui vivraient soi-disant au crochet de nos sociétés « d’accueil » …).

Outre qu’elles génèrent des discriminations « silencieuses »[8], ces attitudes entraînent aussi chez les personnes âgées une augmentation du stress, une diminution de leur estime d’elles-mêmes, voire une moindre volonté de vivre.[9] Elles conduisent également à leur isolement et à leur précarisation, particulièrement dans le cas des femmes âgées -pour des raisons économiques et sociales que j’expliquerai.

On peut considérer l’expérience vécue par de nombreuses personnes âgées comme une forme de continuité ou d’exacerbation de la précarité telle que la décrit le psychiatre Jean Furtos. A ses yeux, « cette société est précaire, dans la mesure où « la pensée de la perte possible ou avérée des objets sociaux [travail, argent, logement…] est omniprésente ; une fois installée, la peur de perdre draine la perte de confiance en l’avenir et dans la société » »[10]. Il s’agit bien alors d’une « précarité qui ne crée pas de lien, mais de l’isolement, de la paranoïa, de la mélancolie sociale ».[11]

Dans la lignée de ces réflexions, je propose de considérer la santé comme un objet social également, lui aussi susceptible d’être perdu. Ce constat m’amènera à poser certaines questions : si la diminution des performances physiques avec l’âge est une fatalité, jusqu’à quel point l’est-elle ? La société et les images de la vieillesse qu’elle charrie n’encouragent-elles pas certains troubles chez les personnes âgées ? Comment dès lors reprendre du pouvoir sur ces assignations néfastes ?

LA PERTE D’AUTONOMIE N’EST PAS UNE FATALITÉ

Des spécialistes ont mis en lumière le concept de « réserve cognitive » « qui nous permettrait de compenser les effets délétères liés au vieillissement tant normal que pathologique »[12], ainsi que les différents facteurs censés intervenir de façon cruciale dans sa « construction » : « posséder un niveau scolaire élevé, avoir un style de vie actif, exercer une profession d'une certaine complexité, s'adonner à des loisirs culturellement enrichissants, avoir un réseau social étoffé... ».[13] Ces différents éléments semblent hélas l’apanage d’une certaine catégorie de personnes. Mais ces facteurs ne pourraient-ils pas se concrétiser ailleurs que dans nos héritages familiaux ? Prendre des nouvelles d’une personne isolée, l’inviter à des moments de partage et/ou de créativité, de culture, de sport sont autant de viatiques pour échapper à l’isolement et à la précarité d’existence qui le sous-tend. Et si le milieu familial n’est pas là pour pourvoir à ces attentions particulières, ces dernières ne pourraient-elles pas être suppléées par d’autres milieux sociaux… ou par les structures d’habitats ? Puisque celles-ci ont bien changé au cours des décennies, elles qui abritaient avant non seulement la famille, mais bien souvent aussi les aïeuls, pour aujourd’hui n’être plus composées que de familles nucléaires[14]… comment récréer un nouvel entourage et l’attention qu’il peut apporter aux besoins de chacun∙e ?

Militer contre (et/ou pallier) les différences de privilèges que reflètent ces facteurs de « réserve cognitive » est une manière également d’élargir le « bien-vieillir » au plus grand nombre. Thérèse Clerc, à qui je ferai appel ensuite, racontait provenir d’un milieu très modeste et avoir été une fort mauvaise élève, mais disait avec fierté que le milieu militant fut pour elle une « université de la vie ».[15] Celle qui lui a conféré un regard critique sur sa condition de femme vieillissant ou de « vieille », selon sa propre expression. L’Université Populaire d’Anderlecht pose le même constat : « La vieillesse, si elle se vit « chez soi », au sein des familles ou en institution, est aussi éminemment politique. Il est donc fondamental de détricoter les enjeux liés à la vieillesse et au vieillissement pour penser les contours d’une société où chacun et chacune a le droit de vieillir dignement. Et de constater que, parfois, il faudra lutter pour (maintenir) ces droits. Pour y parvenir, l’émancipation et l’éducation populaire, tout comme la valorisation des savoirs et savoir-faire en milieu populaire, font partie des leviers sur lesquels mise l’UPA. »[16] Lutter pour maintenir le droit à un « bien-vieillir » fut notamment la visée des Babayagas -dont je parlerai ultérieurement.

La question de savoir ce qu’est « vieillir dignement »[17] est en elle-même un questionnement éthique et politique. Celui de savoir ce que nous, jeunes et moins jeunes, désirons pour notre avenir, en termes de confort socio-économique, de santé, d’habitat, ce qui implique aussi bien sûr des enjeux écologiques et climatiques. Or, seul∙e∙s, il est difficile de faire bouger les lignes de gouvernance de nos états. Il est également important pour nos états de droit qu’ils s’interrogent sur la population des personnes âgées autrement qu’en termes de « charge » à endosser par la société dite « active » et qu’ils se donnent les moyens d’assurer leurs droits. Et s’ils veulent rester sur leurs calculs rationnels, qu’ils soient bien assurés qu’une société dont les membres restent en meilleure santé plus longtemps pourra alléger leurs budgets ministériels…

« La solidarité, c’est bon pour la santé » !

Le slogan peut paraître éculé, mais des spécialistes ont démontré que l’isolement social nuit à la santé psychologique et cognitive des aîné∙e∙s. Comment dès lors lutter contre l’isolement social et ses conséquences dramatiques ?

 

LUTTER CONTRE L’ISOLEMENT SOCIAL VIA L’HABITAT ?

À tous ces constats qui nous amènent à considérer les obstacles auxquels sont confrontées les personnes âgées, ajoutons que la construction genrée du rapport au travail et du partage de l’emploi entraîne la précarisation socio-économique accrue des femmes[18]. Les femmes âgées, qui ont beaucoup plus que leurs homologues masculins misé (et été contraintes de miser) sur du travail à temps partiel, ou qui étaient « femmes au foyer » et accomplissaient du travail purement reproductif sans salaire, se retrouvent aujourd’hui beaucoup plus vulnérables d’un point de vue économique. Contre ce phénomène de précarisation des femmes âgées peuvent se former de nouveaux modèles de coopération tout autant dans le milieu du travail (coopératives féminines de fabrication de produits, syndicats, p.ex.) que dans la lutte (les syndicats ici aussi, les Conseils Consultatifs Communaux des Aînés (CCCA[19]), les mouvements mutualistes d’aîné.e.s tels que Énéo, Espace Seniors, ou autres groupes militants tels que le Gang des Vieux en Colère !).

 

L’habitat coopératif pour femmes âgées

Concernant leur vieillissement, les femmes âgées, anciennes salariées, indépendantes, femmes au foyer, précaires ou non, pourraient également miser sur un modèle coopératif d’habitat, permettant de faciliter l’accès à des logements de qualité, et d’inventer de nouveaux soutiens, autres que familiaux et/ou médicaux. Autrement dit permettant de créer les conditions de possibilité d’un vieillir-mieux ensemble. ’habitat coopératif peut s’avérer, dans notre contexte de crises multiples, un lieu non seulement de mutualisation des moyens (d’acquisition et/ou de location), mais également de convivialité, de rencontres et de projets communs possibles. D’où émergeraient de nouvelles formes et moments d’empowerment permettant aux personnes concernées de dépasser l’impression récurrente d’inutilité qu’elles peuvent ressentir dans une société qui les mésestime.

Car on parle bien d’« habitat ». Comme l’explique Emmanuel Massart[20], celui-ci doit être distingué très clairement du « logement ». Ce dernier « non seulement, (…) peut être vide, mais plus encore, l’on peut parler de logement sans lier celui-ci à une présence humaine, puisque c’est de la brique. Se loger apparaît une fonction[21] dans la ville comme travailler ou circuler. »[22] Cette vision purement pragmatique et marchande n’est qu’un aspect de nos lieux de vie, auquel on peut préférer la notion d’« habitat » qui « décrit un milieu de vie – celui de l’homme ou de l’animal -, un espace large dans lequel il est mobile, auquel il est relié affectivement, où il trouve ses ressources, trace ses chemins quotidiens. (…) Puisqu’il est affectif, l’habitat possède cette souplesse de grandir et de rétrécir au gré de nos humeurs. »[23]

Au vu des définitions sensibles proposées par Massart, une société qui voudrait assurer à chacun·e une vie digne ne devrait pas se contenter de fournir des « logements » ultramodernes (dans lesquels « l’enjeu numérique » est perpétuellement cité comme moyen de « renforcer les liens sociaux ».[24]). Il est préférable de miser sur des moyens plus humains, sur des « habitats », des lieux de vie où trouver des ressources affectives, alimentaires et/ou intellectuelles, quel que soit l’état de santé et les moyens économiques de ses habitant∙e∙s. Et en se reposant sur le droit de tout être humain de vivre dans la dignité plutôt que sur de sombres calculs de rentabilité dont font hélas preuve trop de sociétés privées.[25] Une façon d’éluder la vision fonctionnaliste de bon nombre d’architectes et d’urbanistes, pour qui le logement n’est envisagé que comme de la « brique », et qui a malheureusement défiguré de nombreux vieux quartiers dans lesquels une part belle était faite aux lieux de convivialité (bancs publics, fontaines, lavoirs d’autrefois, aires de jeu pour les enfants et les adultes, etc.), mais aussi aux devantures de maisons (on y parlait encore de « faire son devant » et on taillait la bavette avec ses voisin∙e∙s…). Le rythme de « la vie d’aujourd’hui » a évidemment également changé la donne, et il ne s’agit pas ici d’être nostalgiques, mais bien de tirer à nous les bienfaits du passé, les « mémoires » que recèlent nos villes…

QUELQUES HABITATS

Visitons quelques habitats dédiés spécifiquement à des femmes de tous âges et soutenant les plus précarisées, afin de voir comment ils sont susceptibles de limiter les effets du vieillissement et de l’isolement envisagés plus haut et d’empouvoirer[26] ses habitant·es à un âge où la société les renvoie constamment à leur « vulnérabilité » (sans forcément prétendre la prendre en charge de manière adéquate, si besoin en était…).

La Maison des Babayagas est née d’un rêve de Thérèse Clerc[27], ancienne militante féministe, à savoir celui de construire sa vie de femme vieillissant en n’étant surtout pas « une charge »[28] pour ses enfants, en conservant son autonomie, sa liberté et une certaine part de « folie »[29], subvertissant par-là l’image d’Épinal d’une certaine « sagesse » de la vieillesse… « Nous, on ne veut pas une maison de retraite, on ne veut pas de bonnes femmes qui nous emmerdent pour faire la toilette "à l’heure" et les repas "à l’heure" ! »[30]

Cette Maison tire son surnom d’un personnage de sorcière de la mythologie russe qui vit dans une petite isba montée sur pattes de poule. Outre le pied de nez envoyé à celleux qui méprisent les vieilles femmes vues comme des « sorcières » (c’est-à-dire « des objets d’horreur »[31]), cet emblème convient bien à ces 21 Babayagas qui ont décidé de « se prendre en charge jusqu’au bout »[32] en donnant forme à « une résidence autogérée, participative et engagée, réservée aux femmes de plus de 60 ans ».[33] Y sont mises en avant des préoccupations « écologistes, féministes, citoyennes et solidaires ».[34] Le documentaire HLM et vieilles dentelles[35] montre que la dynamique collective n’est pas toujours chose aisée[36], mais que ses bénéfices en termes de débats et de vigueur militante y sont plus que palpables !

Le désir de Thérèse Clerc était de conscientiser les femmes de la Maison, mais aussi du dehors. Elle le faisait sans doute parfois avec un brin de maternalisme, mais ce dernier n’empêchait en rien la bienveillance : « Elles y trouvent de la culture, de la formation, une consultation juridique. Le but est quand même de les rendre conscientes, c’est-à-dire de leur dire « Madame, vous avez des droits et il faut les faire vivre »[37] ».[38] Elles y trouvent également une université des savoirs pour les vieux (UNISAVIE), afin de « garder bien frais sa tête, penser, réfléchir et rêver »[39] et un « "spa militant" ouvert aux femmes du quartier, celles qui n'ont pas le droit de se rendre dans les bains publics, et où l'on imagine les discussions vives : contre le port de la Burqa, ou pour le respect de la loi sur l'avortement, de la contraception, sur l'indépendance financière et l'autonomie féminines ».[40]

La création de la Maison des Babayagas fut en elle-même un combat : grâce à la pugnacité de Thérèse et de 2 autres amies à elle, le maire de Montreuil s’est montré favorable au projet dès 1998.[41] Le terrain est ainsi cédé par la mairie, et c’est l’OPHLM[42] qui loue aux résidentes des chambres pour des loyers allant de 200 à 700euros en fonction de leurs ressources. Celles-ci sont raccordées entre elles par des espaces communs inspirés des béguinages. Ainsi les coursives se font lieu de rencontres animées...

Mais au-delà de ce combat pour acquérir ces logements, ce qui anime cet « habitat mouvant » (pour reprendre les mots de Massart) de façon vitale et inventive est ce que Thérèse désignait comme « la beauté collective », elle qui milita jusqu'au bout pour montrer « une autre beauté » des femmes âgées à notre société jeuniste, une « beauté » à proprement parler « politique » et « collective ». Qui « considérait la vieillesse comme un moment propice pour défier », non pas les rides comme nous l’enjoignent les publicitaires, mais bien « à travers des événements concrets, l’organisation âgiste de la société et pour remettre en question ses oppositions binaires : activité/inactivité, performance/vulnérabilité, autonomie/dépendance. »[43] 

Ainsi, l’habitat se fait chez les Babayagas lieu de réflexions pour déconstruire les assignations âgistes que véhicule la société. Au point que Thérèse voit dans les représentations honnies des corps vieillissant la continuité avec le féminisme, « car il est question de corps : de corps qui devient défaillant, et qu’on aide à devenir défaillant, c’est bien ça le pire ».[44] Ainsi, sans bagage scientifique, mais en s’appuyant sur son propre vécu, elle rejoint l’analyse de Stéphane Adam sur la sénescence des personnes âgées et de leur santé mentale. Mais à la recommandation de continuer à avoir une vie intellectuellement stimulante, elle ajoute la dimension collective et militante !

Un autre projet de ce type existe à Bruxelles, dont l’acronyme malicieux (« Association Novatrice pour Gérer Ensemble le Logement et Agir Durablement ») rend hommage « à l’activiste américaine féministe et antiraciste Angela Davis ».[45] À l’instar de la Maison des Babayagas, cet habitat est autogéré, inclusif et se désire féministe jusque dans son édification et son intégration dans la cité en posant « la question de la place des femmes au niveau des logements, quartier, ville et société, et [en prenant] le logement comme base d’émancipation des femmes. »[46]&[47]

De nouveau, dans ce projet, la question de l’accès au logement pour les femmes les plus précaires est posée à un niveau politique, ses créatrices étant « convaincues que la discrimination et la violence à l’égard des femmes constituent une question politique, tout comme l’accès au logement des femmes. Des études montrent ainsi que les femmes sont majoritaires dans les logements sociaux, parce qu’elles sont beaucoup plus précarisées. »[48] Cet accès est facilité ici par le mécanisme du CLTB[49] qui a permis la naissance du projet CALICO englobant entre autres l’habitat Angela D.

L’originalité du projet réside notamment dans le fait que ses administratrices désirent non seulement « [créer] ensemble un espace de vie où s’expriment la solidarité, le sens du collectif, l’échange de connaissances et de compétences (…) »[50], mais aussi interroger la structure-même de l’habitat en général d’un point de vue féministe[51]&[52] ! Débusquer les schémas patriarcaux dans ce que nous considérons comme des habitudes est une démarche critique audacieuse, l’habitat devenant ici un moteur de changement. Portée par ailleurs par une de nos ministres et secrétaires d’État[53], cette démarche s’avère, à proprement parler, plus que novatrice, potentiellement révolutionnaire !

 

 

Conclusion

Le CVFE lutte depuis bientôt 45 ans pour offrir un hébergement digne et sécurisant à des femmes et des enfants victimes de violences familiales qu’on peut qualifier de « machistes », voire « patriarcales ».[54] La confiance que nous désirons leur transmettre est de se sentir capables de se construire d’elleux-mêmes une nouvelle vie sans violence ni discriminations et de faire valoir leurs droits. Accéder à un logement décent est un des grands défis qu’iels devront relever.[55] De la même façon, les femmes âgées sont victimes des stéréotypes véhiculés par notre société néolibérale, dont les soubassements reposent sur le capitalisme patriarcal. Envisager la lutte contre les violences âgistes qu’elles subissent via le levier de l’habitat est une façon de « boucler la boucle », d’entrer en résonance avec les visées du CVFE.

J’aurai pu présenter d’autres projets d’habitats coopératifs et intergénérationnels tous aussi intéressants à explorer : les Béguinages en France[56] qui « renaissent » comme une alternative crédible aux résidences et maisons de retraite ; les maisons Abbeyfield en Belgique[57] ; la Maison Biloba de Schaerbeek[58] ; le Frauenwohnprojekt [ro*sa] à Vienne[59] ; la ferme de Lieselotte[60] à Tännich (Allemagne) ; et bien d’autres encore…  Mais avant tout, je voulais comprendre quels étaient certains des fondements de ces habitats considérés ici comme des alternatives aux maisons de retraite, du moins telles qu’elles sont majoritairement conçues jusqu’à présent en occident.[61] Ce modèle « occidental » est par ailleurs intégré par des populations immigrées aux structures familiales normalement plus « traditionnelles », qui « réservent certaines fonctions aux anciens et leur reconnaissent un rôle central dans la société ».[62] Une interrogation intéressante aurait été de voir ce qu’il advient de l’accueil que réserv(ai)ent ces familles immigrées à leurs aïeul.e.s, dans le cas certainement fréquent où la femme travaille et se retrouve tiraillée entre son dévouement à la maison et un modèle beaucoup plus individualiste, tel que le nôtre en Belgique.

Les projets brièvement décrits plus haut ayant pour points communs de tenter, au-delà de mutualiser des moyens financiers pour acquérir des « briques » :

Emmanuel Massart nous prévient vis-à-vis de cet aspect crucial que tous ces projets ne peuvent être viables que s’ils sont accompagnés par un « veilleur »[64], un organisme tiers (genre un « café social » attenant aux projets d’habitat[65]), ou une personne tierce (une sorte de « filet social ») garantissant une écoute, parfois une facilitation afin que certaines personnes plus vulnérables[66] et/ou de culture et de langue différentes soient néanmoins incluses dans la communauté de l’habitat, et qu’elles aient accès à tous les services juridiques et de soins dont elles pourraient avoir besoin.

Que la population mondiale vieillisse n’est un secret pour personne. Mais les médias et nos politicien∙ne∙s dans leur communication, notamment, ne pourraient-iels pas traiter du phénomène autrement qu’en montrant ces personnes vieillissant comme une « charge » ? Pourquoi ne pas envisager ce phénomène notamment comme une invitation à réinventer l’habitat et plus largement la ville ? Non plus seulement en termes d’éco-performances et de durabilité des matériaux, mais également en termes de « collectivités viables »[67] qui s’appuient sur des politiques sociales prenant en compte le vieillissement de la population, à l’instar de Victoriaville[68] au Québec. Nos différents niveaux de pouvoir, et en particulier les communes, devraient s’inspirer de la Mairie de Montreuil qui a apporté un terrain aux Babayagas, de certains opérateurs publics qui gèrent des résidences favorisant l’inclusivité (comme le foyer Adoma[69] au Petit‑Nanterre) ; des appels à projets tels que CALICO, porté par le Community Land Trust Bruxelles qui a permis entre autres l’édification d’Angela D. et permet de soustraire le logement à la spéculation foncière[70]. Mais aussi soutenir d’autres modèles tels que les coopératives d’habitat. Ainsi la Maison Kadja Nin, nouvelle maison d’accueil ouverte en 2018 par le CVFE grâce « aux briques » assurées par la coopérative immobilière[71] Les Tournières[72].

Enfin il me semblait bon de mettre ici en lumière la logique productiviste, utilitariste, qui modèle le regard des autres et le nôtre sur les « vieilles » femmes. Parfois contre leur bien-être, leur liberté d’être autrement que ce qui est attendu. Contre leurs droits, aussi. Et cette atteinte aux droits, particulièrement envers les femmes âgées les plus pauvres est une véritable « violence », selon Christine Mahy.[73]&[74] À cette violence, s’ajoute aussi selon elle celle de la honte de devoir se tourner vers des services d’assistance, et de s’entendre dire qu’elles sont une charge pour la société… Le levier pour sortir les femmes précaires de cette violence sociale est pour elle la démocratisation culturelle par l’éducation permanente !

En ce sens, les projets d’habitats présentés ou évoqués ici proposent des alternatives au mal-vieillir « depuis le bas », c’est-à-dire depuis celleux qui vivent ce vieillissement et savent mieux que quiconque ce qui leur convient. S’ils parviennent à cultiver l’inclusivité et les solidarités dans une société qui ne les favorise pas, ils peuvent être les lieux d’une émancipation à laquelle Thérèse Clerc et ses amies, notamment, ont ouvert la voie. 

 

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NOTES DE BAS DE PAGES 

[1] Robert N. Butler cité par J. RENNES (sous la dir. de), in Encyclopédie critique du genre, Paris, Éd. La Découverte, 2016, p.48.

[2] Butler cité in C. BIENAIMÉ, « Vieilles, et alors ? », Un podcast à soi, N°14, janvier 2019. Disponible sur https://www.arteradio.com/son/61660809/vieilles_et_alors_14 (consulté le 05/08/2022).

[3] L’OMS constate que « Dans certains cas, l’âge a été utilisé comme seul critère pour déterminer l’accès aux soins médicaux et aux traitements d’importance vitale et justifier l’isolement physique. », in Communiqué de presse de l’OMS, « L’âgisme, un enjeu mondial », 18 mars 2021. Disponible sur : https://www.who.int/fr/news/item/18-03-2021-ageism-is-a-global-challenge-un (consulté le 13/09/2022).

[4] Responsable de l’Unité de Psychologie de la Sénescence à l’ULg.

[5] Adam se réfère à une étude scientifique où des chercheuse∙eur∙s se sont basé∙e∙s sur la charge qualitative des mots associés à « la vieillesse » de 1810 à 2010 dans la littérature et les médias. Iels ont ainsi constaté que la charge péjorative, négative des mots s’y référant avait énormément crû dès la fin de la 2ème guerre mondiale, et qu’elle fut à son pic en 2010. Interview « Veut-on se débarrasser de nos vieux ? », ULgǀ15ème Jour, 13 janvier 2021. Disponible en vidéo sur : https://www.youtube.com/watch?v=9E0CLhkk-JA (consulté le 30/09/2022).

[6] V. HÉLARDOT, « Précarisation du travail et de l'emploi : quelles résonances dans la construction des expériences sociales ? », Empan, 2005/4 (no 60), p.31. Disponible sur : https://www.cairn.info/revue-empan-2005-4-page-30.htm (consulté le 03/08/2022).

[7] Trait propre au libéral-productivisme dans lequel nous baignons, c’est-à-dire une société où se conjuguent les effets (ou méfaits) de la non-régulation du libéralisme, de ses aspects financiers et sociaux (il n’est plus à prouver que le libéralisme sans frein crée de profondes inégalités sociales) et de ceux du productivisme qui agit plus directement sur nos environnements et la biosphère. Cfr Anonyme, « 01. La crise du modèle libéral-productiviste et son alternative verte », site Etopia, 28 août 2012. Disponible sur : https://etopia.be/01-la-crise-du-modele-liberal-productiviste-et-son-alternative-verte/ (consulté le 28/09/2022) ; ou A. LIPIETZ, Green deal. La crise du libéral-productivisme et la réponse écologiste, Paris, Éd. La Découverte, 2012.

[8] Terme emprunté à un article de L’OBS qui suggère que ces stéréotypes âgistes sont beaucoup moins flagrants que ceux du sexisme ou du racisme, mais qu’ils sont néanmoins tout aussi dangereux, parce que préjudiciables à la santé mentale et physique des personnes âgées concernées. J.P FRITZ, « L’âgisme, cette discrimination silencieuse qui pèse sur les personnes âgées », L’OBS, 25 juin 2022.Disponible sur : https://www.nouvelobs.com/sciences/20220625.OBS60148/l-agisme-cette-discrimination-silencieuse-qui-pese-sur-les-personnes-agees.html (consulté le 10/10/2022).

[9] « En 2006, la France a dénombré près de 3000 suicides parmi les plus de 65 ans. La perte des rôles sociaux, la perte des proches, la maladie physique et psychique, l’altération de l’identité, et peut-être surtout le regard que la société porte sur cet âge de la vie apparaissent comme autant de facteurs qui viennent se conjuguer pour expliquer un tel phénomène. », in J. TRINCAZ, « Personne âgée : quelles représentations sociales ? Hier et aujourd’hui », Expertise collective INSERM, Activité physique et prévention des chutes chez les personnes âgées, 2015, p.477. Disponible sur : https://www.ipubli.inserm.fr/bitstream/handle/10608/6807/?sequence=9 (consulté le 09/08/2022).

[10] M. PREVOST cite Jean Furtos in « La souffrance psycho-sociale : regards de Jean Furtos », ibidem, pp.77-78.

[11] Idem.

[12] P. LAMBERT, « Retraite professionnelle et maladie d'Alzheimer », in RéflexionsǀULg, 14 avril 2015. Disponible sur : https://www.reflexions.uliege.be/cms/c_386372/fr/retraite-professionnelle-et-maladie-d-alzheimer (consulté le 29/08/2022). & pour une définition du vieillissement pathologique, cfr H. MORÉE, « Le vieillissement pathologique », SENIORS-MAG.com, 23 janvier 2018. Disponible sur : https://www.seniors-mag.com/actu/le-vieillissement-pathologique-2301201862 (consulté le 28/09/2022).

[13] Idem.

[14] C’est-à-dire des familles qui ne sont plus composées que d’un couple et de leur(s) enfant(s), à la différence des familles élargies, comme dans d’autres sociétés. Chez nous, cette séparation d’avec nos aïeul.e.s semble évidente, alors qu’elle ne l’a pas toujours été. Dans les pays du Tiers-Monde, l’ébranlement des structures familiales traditionnelles pourraient devenir une catastrophe socio-économique, alors que la population vieillit tout autant que chez nous, voire plus vite, comme en Chine. Cfr N. A. APT, « Les défis du vieillissement dans le Tiers-Monde », Le Courrier de l’UNESCO, n°53, janvier 1999. Disponible sur : https://unesdoc.unesco.org/ark:/48223/pf0000114707_fre/PDF/114699fre.pdf.multi.nameddest=114707 (consulté le 10/10/2022).

[15] Elle se plaisait à raconter qu’elle avait lu Marx auprès des prêtres ouvriers et appris le féminisme grâce à mai 68. Entretien de Thérèse Clerc avec Rebecca Manzoni du 16 février 2016 sur France Inter. Disponible sur : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/eclectik/therese-clerc-8021626 (consulté le 02/09/2022).

[16] C. TERET, « Vieillir dignement… toutes et tous concerné·es », éditorial de La Mauvaise Herbeǀrevue de l’UPA #11, septembre 2021. Disponible sur : https://universitepopulairedanderlecht.be/revues/vieillir-dignement (consulté le 07/10/2022).

[17] Sur la « dignité », je renvoie à l’étude de R. HERLA, « Qu’est-ce qu’une vie digne ? Entre savoirs savants et expériences vécues, entre recherche et passage à l’action », Publications de l’asbl CVFE, décembre 2017. Disponible sur : https://www.cvfe.be/images/blog/analyses-etudes/Etudes/ep2017-_etude-_questcequuneviedigne-rogerherla.pdf (consulté le 07/10/2022).

[18] Cfr R. HERLA, « Les femmes sur le marché du travail. Comment le temps partiel et des ségrégations persistantes continuent de nourrir les inégalités de genre », Liège, Publications du CVFE, juin 2018. Disponible sur : https://www.cvfe.be/publications/analyses/8-les-femmes-sur-le-marche-du-travail-comment-le-temps-partiel-et-des-segregations-persistantes-continuent-de-nourrir-les-inegalites-de-genre (consulté le 30/09/2022).

[19] « En juin 2006, une circulaire du Gouvernement wallon invite les communes à créer un Conseil Consultatif Communal des Aînés. ». Cfr article « CCCA » sur le site du CAS disponible sur : https://www.cas-seniors.be/ccca/ (consulté le 07/10/2022).

[20] S’inspirant lui-même du Pr Thierry Paquot, philosophe à l’Institut d’urbanisme de Paris. Cfr podcast « La maison, miroir de soi », de la série Habiter, demeurer, se loger, épisode 5, in France Culture, 16 septembre 2019. Disponible sur : https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/matieres-a-penser/la-maison-miroir-de-soi-7480686 (consulté le 19/10/2022).

[21] Fonctions décrites par l’architecte Le Corbusier et reflétant une vision « fonctionnaliste » de la ville.

[22] E. MASSART, Les chemins de l’habitat : rendez-vous avec la ville, publication de l’asbl SAW-B, 2020, p.4. Disponible sur : https://saw-b.be/wp-content/uploads/sites/39/2020/08/a2004_chemins_de_l_habitat.pdf (consulté le 28/07/2022).

[23] Idem.

[24] Rédaction du SilverEco « Un 1er Colloque européen « Silver Economie & Habitat » à Bordeaux placé sous le signe de la coopération », SilverEco, 5 novembre 2014. Disponible sur : https://www.silvereco.fr/un-1er-colloque-europeen-silver-economie-habitat-a-bordeaux-place-sous-le-signe-de-la-cooperation/3128923 https://www.silvereco.fr/un-1er-colloque-europeen-silver-economie-habitat-a-bordeaux-place-sous-le-signe-de-la-cooperation/3128923 (consulté le 01/09/2022).

[25] Mais aussi hélas aussi certains de nos gouvernements qui imposent une austérité budgétaire intenable aux personnels de santé ; je publierai prochainement une étude sur le sujet au sein du CVFE.

[26] Empouvoirer est défini comme suit : « (Néologisme) (Rare) Émanciper, libérer de contrainte, rendre autonome, responsabiliser ». In Dictionnaire Larousse en ligne. Disponible sur : https://www.lalanguefrancaise.com/dictionnaire/definition/empouvoirer (consulté le 12/09/2022).

[27] La vie de Thérèse Clerc et la création de la Maison des Femmes est racontée par D. Michelle-Chich, Thérèse Clerc. Antigone aux cheveux blancs, Paris, Éditions des Femmes-Antoinette Fouque, 2007.

[28] Selon son expression, idem, p.12.

[29] « Folie » qu’elle se plait à souligner dans le film L’Art de vieillir de Jean-Luc Raynaud (Canada, 2006). Disponible sur https://vimeo.com/254463268 (consulté le 24/06/2021).

[30] Entretien de Thérèse Clerc avec Rebecca Manzoni, idem.

[31] Comme l’écrit M. CHOLLET, Sorcières, Paris, Ed. La Découverte/Zones, 2018, en 4ème de couverture.

[32] D. Michelle-Chich, Thérèse Clerc. Antigone aux cheveux blancs, ibidem, p.13.

[33] Plus exactement 21 chambres sont disponibles pour des femmes de plus de 60 ans et 4 pour des moins de 30 ans ! Cfr  J. HARAU, « La Maison des Babayagas, l’« anti-maison de retraite » à Montreuil », le Monde, 17 février 2016. Disponible sur : https://www.lemonde.fr/societe/article/2016/02/22/la-maison-des-babayagas-l-anti-maison-de-retraite-a-montreuil_4869520_3224.html (consulté le 30/08/2022).

[34] Anonyme, « La « Maison des Babayagas » : une anti maison de retraite pour vieillir autrement », site Indépendance Royale. Disponible sur : https://www.independanceroyale.com/maintien-a-domicile/alternatives/habitat-participatif/maison (consulté le 28/09/2022).

[35] HLM et vieilles dentelles de Chloé Bruhat & Aurore Le Mat (France, 2018).

[36] Selon Massart, qui a visité la maison en 2015, ce qui posait problème était sans doute la dimension idéologique qui avait tendance à cliver les habitantes entre deux groupes, avec Thérèse Clerc présidant au milieu, au propre comme au figuré. À l’époque, cela se marquait par certaines exclusions. D’après Massart, ce qui dysfonctionne dans certains habitats ayant une idée assez claire d’où ils désirent aller « en termes d’objectifs », c’est de tout remettre sur l’objectif plutôt que sur les réalités émergentes du terrain. Il parle ainsi de « bonne distance » : « l’enjeu est moins pour moi d’être solidaire a priori (puisque « la solidarité n’est pas une qualité en soi, mais une qualité émergente. Cela naît du vécu ») que de pouvoir pour chacun trouver la bonne distance : ni trop éloigné (parce qu’il faut faire groupe) et ni trop proche (pour ne pas entrer en lutte) ». [Propos tirés d’un entretien épistolaire]. Cette « bonne distance » selon lui pourrait être incarnée par un tiers.

[37] Ce féminisme anima d’autres projets de Thérèse Clerc : « Dans sa ville de Seine-Saint-Denis, cette militante pour le droit à l’avortement avait d’abord fondé, en 1997, la Maison des femmes, un espace d’accueil pour les femmes victimes de violence. », idem.

[38] L. AMANIEUX, « Thérèse Clerc et les Babayagas », sur PaperBlog. Disponible sur : https://www.paperblog.fr/3476346/therese-clerc-et-les-babayagas/ (consulté le 01/09/2022).

[39] Idem.

[40] Idem.

[41] Lire Y. MAMOU, « Un nouvel acteur social est né : le réseau de copines », Le Monde, 26 septembre 2003. Disponible sur : http://www.habiter-autrement.org/06.generation/04_gen.htm (consulté le 20/09/2022).

[42] Organismes d'Habitations à Loyer Modéré.

[43] J. RENNES, « Vieillir au féminin. Une question politique longtemps ignorée », in Le Monde diplomatique, décembre 2016, p.16. Disponible sur https://www.monde-diplomatique.fr/2016/12/RENNES/56899 (consulté le 24/06/2021).      

[44] Propos qu’elle tient dans L’Art de vieillir, op.cit.

[45] Dans la charte de l’habitat Angela D. Disponible sur : https://angela-d.be/#charte (consulté le 20/09/2022).

[46] Idem.

[47] Lire aussi M. VANCUTSEM, « Vers des logements plus égalitaires : l’exemple espagnol pour inspirer la Belgique », site de la RTBF, 17 juillet 2022. Disponible sur : https://www.rtbf.be/article/vers-des-logements-plus-egalitaires-lexemple-espagnol-pour-inspirer-la-belgique-11026765 (consulté le 20/09/2022).

[48] A. LUALABA LEKEDE, « Angela D., l’habitat intergénérationnel, solidaire et féministe », asbl Question Santé ǀ eMag Bxl Santé, 1er septembre 2021. Disponible sur : https://questionsante.org/articles-bxl-sante/angela-d-lhabitat-intergenerationnel-solidaire-et-feministe/ (consulté le 20/09/2022).

[49] Le CLTB (« Community Land Trust de Bruxelles ») est un organisme qui offre aux Bruxellois·e·s à faibles revenus la possibilité de vivre dans des logements abordables, durables et de qualité. Site disponible sur : https://www.cltb.be/a-propos/ (consulté le 30/09/2022). Et CALICO (« Care and Living in Community ») un « projet de logement intergénérationnel et social en interaction avec le quartier (…) sur un terrain Community Land Trust. Ce modèle assure la pérennité de son accessibilité en retirant le foncier du marché. ». Définition disponible sur : https://calico.brussels/fr/le-project-calico/ (consulté le 10/10/2022).

[50] Dans la charte de l’habitat Angela D., ibidem.

[51] Pour cela, elles s’inspirent de l’exemple des logements égalitaires espagnols, qui les ont fait conscientiser la répartition genrée des pièces, et la possibilité de visibiliser plus et de rendre plus confortables, voire animées, les pièces dévolues traditionnellement au travail domestique (buanderie, cuisine, etc.). Lire M. VANCUTSEM, « Vers des logements plus égalitaires : l’exemple espagnol pour inspirer la Belgique », ibidem.

[52] C’est aussi l’objet du Mémoire de A. VRANKEN, « Des béguinages à l’architecture féministe. Comment interroger et subvertir les rapports de genre matérialisés dans l’habitat ? », in Chronique féministe, Université des Femmes, n°122, juillet-décembre 2018, pp.43-44. Analyse disponible sur : https://www.universitedesfemmes.be/se-documenter/telechargement-des-etudes-et-analyses/product/296-des-beguinages (consulté le 28/09/2022). Le Mémoire entier est disponible sur : https://issuu.com/apolline.v/docs/memoire_apolline_vranken_2017 (consulté le 28/09/2022).

[53] À savoir Nawal Ben Hamou, Secrétaire d'Etat au Logement et à l'Egalité des chances et Ministre de la Cohésion sociale et du Sport. Site disponible sur : https://nawalbenhamou.brussels/ (consulté le 28/09/2022).

[54] Cfr R. HERLA, "Violences conjugales / Violences machistes. Quels mots pour parler des violences masculines entre partenaires ?", Publications de l’asbl CVFE, novembre 2020. Disponible sur : https://www.cvfe.be/publications/analyses/362-violences-conjugales-une-expression-incontournable-quels-mots-pour-parler-des-violences-masculines-entre-partenaires (consulté le 23/09/2022).

[55] À ce titre, je renvoie vers l’étude de R. BEGON & alii, « Accès au logement, capabilités et empowerment pour les femmes victimes de violence conjugale : la démarche de l’équipe « pré-post-hébergement » du CVFE », Publications de l’asbl CVFE, décembre 2013. Disponible sur : Etude_2013-Logement-VC-Empowerment-Final.pdf (cvfe.be) (consulté le 07/10/2022). Et notamment au chapitre VII qui définit ce qu’entend Martha Nussbaum par « capabilités centrales » et envisage « comment l’accès au logement peut être considéré comme une capabilité en soi », op.cit, pp.55-58.

[56] Cfr JEANNE, « Le béguinage : nouvelle tendance du logement des seniors », site des Logements-seniors, 7 octobre 2014. Disponible sur : https://www.logement-seniors.com/articles-ls/le-beguinage-nouvelle-tendance-du-logement-senior.html (consulté le 02/09/2022).

[57] Cfr « Les maisons Abbeyfield en Belgique : un habitat autogéré pour personnes âgées », site d’Abbeyfields Belgium. Disponible sur : https://www.abbeyfield.be/fr/ (consulté le 02/09/2022).

[58] La Maison Biloba est composée d’habitations sociales, d’un centre de jour pour seniors et d’un réseau d’aide et de soins de proximité pour les seniors (CitiSen), et leurs aidants-proches à Schaerbeek, dans le quartier Brabant. Site de la Maison disponible sur : https://www.maisonbilobahuis.be/ (consulté le 17/10/2022).

[59] En français, Projet de Logement pour Femmes. Site disponible sur : http://www.frauenwohnprojekt.info/pages/frauenwohnprojekte.php (consulté le 23/09/2022).

[60] Cfr article (en allemand) « Das Leben auf dem Beginenhof Lieselotte in Tännich », site Die Beginenstiftung, octobre 2003. Disponible sur : https://beginenstiftung.de/das-leben-auf-dem-beginenhof-lieselotte-in-taennich/ (consulté le 28/09/2022).

[61] Dans un sondage qui date de 2021 en France 82% des sondé·es pensent que les maisons de retraite sont utiles mais doivent être améliorées. Cfr « 82% des Français⸱es demandent une amélioration des maisons de retraite », site famillesdurables, 14 juillet 2021. Disponible sur : https://www.famillesdurables.fr/francais-et-maisons-de-retraite/ (consulté le 07/10/2022).

[62] N. A. APT, « Les défis du vieillissement dans le Tiers-Monde », ibidem.

[63] Ainsi, dans le cas du projet CALICO qui englobe notamment Angela D., l’organisme RÉZONE, qui « vient en aide aux Bruxellois porteurs de troubles mentaux », et a été sollicité par la CLTB (Community Land Trust de Bruxelles) pour « créer un espace communautaire ouvert à tous, sur le quartier et les habitants mais qui en même temps puisse être un endroit où des personnes qui ont une certaine fragilité puissent se sentir bien, acceptées et sans pression pour réaliser telle ou telle activité. Il est primordial pour nous de réaliser ce type projet avec pas seulement des personnes issues de la psychiatrie. ». Par exemple, les personnes issues de milieux plus populaires qui se sentiraient moins à l’aise dans les débats qui anime CALICO ! Citations in « Rézone et le CLTB : un nouveau partenariat très prometteur », site du CLTB. Disponible sur : https://www.cltb.be/2021/07/20/rezone-et-le-cltb-un-nouveau-partenariat-tres-prometteur/ (consulté le 18/10/2022).

[64] C’est une dame âgée qu’il a rencontrée qui lui a proposé le terme, pour désigner cette personne tierce, qu’elle définira avec Emmanuel Massart comme une personne plus jeune, présente au quotidien et incarnant un « filet social », une « personne-relais » bilingue, un zorgchecker (vérificateur de soins) et enfin une sécurité face au monde extérieur.

[65] Comme celui que décrit Iro Bardis dans cet article : I. BARDIS & N. BELHADJ, « Le Kinkéliba, café social et culturel : aider les migrants vieillissants à mieux vivre dans un foyer Adoma », Revue française des affaires sociales, n°4, 2016, p. 375-376. Disponible sur : https://www.cairn.info/revue-francaise-des-affaires-sociales-2016-4-page-375.htm (consulté le 02/08/2022).

[66] Ces vulnérabilités relèvent de facteurs multiples allant de « l’offre de/et de l’accès aux services d’aide sociale, de soin et de santé, la situation socio-économique des personnes concernées, de leur origine ethnique », « des subjectivités individuelles (désir ou non d’anticiper, de rester aux commandes ou de se démettre, de rester actif ou de se laisser porter, etc.) (…) [mais également] de l’offre d’animation », cfr Rapport de recherches ADZHIS 2020-2021, EVA Bxl, pp.46-49. Disponible sur : ADZHIS_Rapport_compressed-1_compressed-min-5.pdf (consulté le 18/10/2022).

[67] Nous empruntons ce terme de « collectivités viables » à la Société Canadienne d’Hypothèques et de Logement (SCHL), qui les définit en fonction d’un certain nombre de critères « pour mieux définir et auto-évaluer la viabilité [d’une] collectivité. ». Parmi ceux-ci figurent la mixité sociale, des logements abordables, des critères écologiques. Voir l’article « Collectivité viable », Collectivitesviables.org, Vivre en Ville, 2 décembre 2013. Disponible sur : https://collectivitesviables.org/articles/collectivite-viable.aspx  (consulté le 30/09/2022).

[68] Déjà considérée comme « berceau du développement durable au Québec ». Pour plus de détails sur ses aménagements : « Victoriaville : ville inclusive », Collectivitesviables.org, Vivre en Ville, 21 novembre 2018.  https://collectivitesviables.org/etudes-de-cas/victoriaville -ville-inclusive.aspx (consulté le 30/09/2022).

[69] Adoma est la société qui gère les foyers. Cfr site https://groupe-cdc-habitat.com/groupe/groupe-cdc-habitat/adoma/ (consulté le 02/08/2022).

[70] Explication du CLT in R. NOYON, « Avec un petit rien, ces Belges brisent la spéculation immobilière », NouvelOBSǀRue89, 21 novembre 2016. Disponible sur : https://www.nouvelobs.com/rue89/rue89-nos-vies-connectees/20151014.RUE0883/avec-un-petit-rien-ces-belges-brisent-la-speculation-immobiliere.html (consulté le 10/10/2022).

[71] « En près de 20 ans, la coopérative Les Tournières est devenue propriétaire de plusieurs biens à Liège qui sont ensuite loués à des associations actives dans le domaine social, culturel ou environnemental à prix coûtant. Ces projets sont rendus possibles grâce à l’investissement des coopérateurs. Des personnes qui choisissent de s’impliquer économiquement et socialement dans un projet éthique, solidaire et durable. Les coopérateurs détiennent des parts de propriété dans les projets soutenus par Les Tournières. », in R. KERZMANN, « Khadja Nin donne son nom à une maison pour les femmes victimes de violence », L-POST, 22 novembre 2021. Disponible sur : https://lpost.be/2021/11/22/khadja-nin-donne-son-nom-a-une-maison-pour-les-femmes-victimes-de-violence/ (consulté le 13/10/2022). Pour en savoir plus sur Les Tournières, cfr site disponible sur : https://lestournieres.be/ (consulté le 13/10/2022).

[72] « En rejoignant les forces de l’aspect brique [assuré par Les Tournières] et de l’aspect social [procuré par le CVFE], les deux structures veulent répondre au manque de logements en région liégeoise et permettre à des femmes et à des enfants fragilisés d’y accéder car c’est un droit fondamental. », in R. KERZMANN, « Khadja Nin donne son nom à une maison pour les femmes victimes de violence », idem.

[73] Christine Mahy est assistante sociale et secrétaire générale du Réseau wallon de lutte contre la pauvreté. Le site du RWLP est disponible sur : https://www.rwlp.be/index.php/accueil/coordonnees-collaborateurs (consulté le 14/10/2022).

[74] Une violence « qui se traduit par le fait que le potentiel que chacun a en lui et que chacun peut cultiver à travers le milieu qu’il fréquente, que chacun peut cultiver dans l’école, le quartier, dans l’environnement dans lequel il vit, ce potentiel quand il est dans le trop peu de tout, il est obligé de le manger pour survivre. Et donc, non seulement, il y a une violence de privation des droits mais il y a aussi l’obligation de vider son potentiel à exclusivement gérer les banalités du quotidien : se chauffer, se déplacer, se loger etc… Et ça (…) c’est une violence ultime qui est terrible pour l’individu, qui est aussi terrible pour la collectivité dans laquelle il existe mais qui est terrible même pour le développement d’une région parce qu’effectivement quand toute l’énergie, toutes les pensées, tout le stress, toutes les heures doivent être consacrées à cela, eh bien c’est de la perte collective au-delà de la souffrance, de la douleur individuelle et de l’impossibilité à se réaliser. » Christine Mahy ne cible pas les femmes âgées pauvres en particulier, mais bien l’ensemble des personnes pauvres ! Ceci est un extrait de son discours lorsqu’elle fut reçue Docteur Honoris Causa à l’ULg le 20 septembre 2018, retranscrit in R. DEVILLERS, « Christine Mahy : violence contre les pauvres », Résurgences, 6 novembre 2018. Disponible sur : https://resurgences.be/christine-mahy-violence-contre-les-pauvres/ (consulté le 14/10/2022).

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