" Le genre: Outil d'analyse sociologique. Quels apports scientifiques et militants ? "

Par Bérangère Marques-Pereira - décembre 2017

L’expression « violences de genre » s’est banalisée dans le monde associatif et institutionnel pour évoquer –notamment- les violences faites aux femmes. Mais le concept de genre dans sa complexité, en tant que rapport de pouvoir et en tant qu’outil d’analyse critique, reste pour beaucoup méconnu.

Quelle est l’histoire de cette notion ? Quelles relations entretient-elle avec les mouvements féministes ? Existe-t-il vraiment une « théorie du genre » ? Quel lien entre genre et rapports sociaux de sexe ? Pourquoi utiliser le mot genre au singulier plutôt qu’au pluriel ? Autant de questions qu’aborde, parmi d’autres, cette analyse éclairante.

 

 

Préambule

1. Contexte

L’exposé que nous publions ici a pris place en introduction du colloque organisé par le CVFE et ses partenaires dans les "Pôles de Ressources" le 27 novembre 2017 : Le genre dans l’intervention en violence conjugale : une lecture obsolète ou actuelle ? Idéologique ou scientifique ? L'objectif de ce colloque était de donner de la matière à réflexion aux acteurs.trices impliqué.e.s contrètement et quotidiennement dans la lutte contre les violences conjugales afin qu'ils.elles comprennent mieux ce qu'une grille de lecture fondée sur la notion de genre peut apporter à leur positionnement et à leur intervention.

2. L’auteure

Bérengère Marques-Pereira est docteure en sciences politiques et relations internationales de l’Université libre de Bruxelles où elle est professeure de l’Université. Elle est membre du Centre METICES de l’institut de sociologie qui s’intéresse aux questions imbriquées du travail, de l’urbanité, de la santé et de la citoyenneté. Elle a fondé et co-coordonne le groupe « Genre et Politique » de l’Association belge de science politique (ABSP). Enfin, elle a aussi été présidente de l’Université des Femmes et en est aujourd’hui l’une des administratrices.

3. Enjeu

La notion de genre permet d’aborder la question des violences conjugales en tenant compte de la socialisation différenciée des hommes et des femmes et de la dissymétrie entre la position des hommes et celle des femmes dans la relation conjugale et dans la société en général. Elle permet une lecture critique des normes sociales que les un.e.s et les autres ont intériorisées. Normes qui agissent aussi dans le traitement des situations à travers les représentations des intervenant.e.s, le fonctionnement des institutions et la manière dont les lois sont appliquées. Comme l’écrit Mme Marques-Pereira, « l’enjeu est donc l’analyse des normes, des représentations et des pratiques sociales et politiques qui construisent les rapports sociaux entre femmes et hommes ».

4. De l’analyse critique à l’émancipation

En contribuant à une analyse critique du fonctionnement patriarcal de la société, la notion de genre permet de montrer comment il discrimine les femmes et légitime les inégalités qu’elles subissent et certaines des violences perpétrées à leur encontre. En matière de violences conjugales, la grille de lecture fondée sur le genre permet de décrypter les effets sur les relations conjugales des rapports de domination systémiques induits par les inégalités entre hommes et femmes. Les travailleurs.euses de l’éducation permanente, comme tout.e autre acteur.trice social.e concerné.e, peuvent prendre appui sur cette analyse critique pour se positionner et proposer (et/ou expérimenter) des chemins d'émancipation vis-à-vis des normes en question.

5. Assumer un point de vue situé

Même si les instances internationales et nationales ont développé des politiques publiques de lutte contre les violences faites aux femmes en se basant sur une définition genrée de ces violences, les résistances à cette grille de lecture sont encore très fortes. L'approche de genre est contestée parce qu'elle n'est pas considérée comme neutre et objective : elle est vue comme un parti-pris militant. Or à nos yeux, comme pour l’auteure de cet exposé, une grille d'analyse fondée sur un point de vue socio-historique critique est d’autant plus judicieuse qu’elle assume son héritage et son positionnement politique

6. L’analyse

Bérengère Marques-Pereira évoque cette question de la supposée neutralité de la recherche dans la dernière partie de sa contribution. Avant cela, dans un texte érudit et passionnant, elle prend le temps de rappeler l’histoire du concept de genre, de le situer par rapport à d’autres termes et expressions apparentés et de montrer comment il met à nu certains des rapports de pouvoir les plus ancrés dans nos sociétés qui sont en même temps les plus susceptibles d’être « oubliés » ou négligés. A une époque où le terme « genre » est utilisé dans le langage courant, parfois de façon approximative, voire contre-productive, nous pensons qu’une meilleure compréhension de cette notion lui permettra de contribuer plus efficacement encore à l'émancipation des individus et des communautés dominés. Dans ce contexte, cette analyse nous est apparue comme particulièrement pertinente pour (re)poser les bases d’un positionnement à la fois intellectuel et militant en matière de genre.

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