Dossier " Femmes, emploi, travail : Faire face aux inégalités de genre "

Par Roger Herla

 

Le Collectif a toujours écrit sur le travail. Non seulement parce qu’il s’agit d’une thématique centrale à nos existences humaines où les enjeux de pouvoir et les inégalités de genre sont multiples, mais aussi parce que l’un des départements de notre association, Sofft, est impliqué depuis 25 ans dans l’insertion professionnelle.

A ce titre, nous sommes des témoins directs de l’évolution du monde du travail et de ses impacts sur les femmes, en particulier sur les plus vulnérables d’entre elles. C’est pourquoi nous avons dénoncé les effets spécifiques que font peser les mesures restrictives d’accès au chômage sur les femmes ou encore, tout récemment, proposé d’appliquer à leurs situations une vision alternative et progressiste de l’employabilité.

Cette année pourtant, stimulé.e.s notamment par une rencontre avec l’équipe du MOC bruxellois et par les lectures récurrentes d’auteures se revendiquant du féminisme matérialiste, nous avons décidé de faire le point de façon plus générale sur les relations des femmes au travail. En l’abordant sous 4 angles différents via les 4 analyses ici réunies.

Dans la première, nous revenons sur la façon dont les études féministes ont chamboulé notre regard sur le travail, qu’il soit ou non salarié, depuis les années 70. En particulier en dénonçant les limites de l’analyse marxiste de l’oppression vécue par les femmes au sein du foyer et en mettant en lumière la division sexuelle du travail et la hiérarchisation des tâches qui l’accompagne. Puis, via notamment la notion de reproduction sociale, en démontrant l’interdépendance étroite entre travail domestique et production de biens et en insistant sur l’importance de combiner l’analyse des violences de classe avec celle des violences de genre et de race. Ce bref voyage dans l’histoire d’un demi-siècle de féminisme appliqué au travail rappelle toute la pertinence et l’actualité de ce courant de pensée.

La deuxième analyse met le projecteur sur le marché du travail et propose un panorama de la situation des femmes dans l’emploi. Entre avancées majeures en termes d’accès au salariat et continuité dans les ségrégations verticales (plafond de verre) ou horizontales (femmes et hommes restent globalement confinés dans leurs domaines respectifs), le tableau est contrasté : les combats passés ont porté des fruits mais il reste du pain sur la planche. La question du temps partiel non-choisi et des inégalités criantes qui en découlent se situant pour beaucoup au sommet de la liste des revendications et luttes sociales urgentes.

Dans la troisième analyse, on se penche sur la façon dont l’école et la formation jouent un rôle actif dans l’orientation des filles et des garçons vers des filières typiques de leur sexe. Laissant pour un temps de côté les inégalités qui se développent en aval, sur le terrain du travail, nous nous demandons comment la participation des intervenant.e.s du monde scolaire à la reproduction de parcours bornés par les stéréotypes de genre pourrait devenir un problème prioritaire aux yeux de la société ? Car, sans en surestimer l’importance, l’impact du vécu scolaire sur la construction identitaire des jeunes filles et garçons, et donc sur les possibles qui s’ouvrent à eux, est non-négligeable : il nourrit non seulement des différences mais des inégalités de parcours professionnels.

Notre dernière contribution invite à prendre du recul pour observer la problématique qui nous intéresse… à l’échelle de la planète. On y montre comment, dans le cadre de la mondialisation néolibérale, les rapports de force entre femmes et hommes autour du travail s’imbriquent avec les inégalités sociales, les logiques racistes et les rapports entre Sud et Nord pour fonder une nouvelle division internationale du travail. Au coeur de celle-ci, un élément essentiel est le « travail dévalorisé » et « considéré comme féminin » vers lequel de très nombreuses femmes, notamment migrantes, sont principalement orientées, que ce soit au Sud ou au Nord de la planète. Au final, cette analyse pose sans fatalisme la question de notre responsabilité et de notre capacité de résistance, en tant qu’Etat mais aussi en tant qu’individus et collectifs, par rapport au maintien de telles dynamiques.

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