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en Éducation Permanente

En quoi le bonheur est-il un piège? Une critique féministe.

A première vue, rien de plus anodin ou innocent que le bonheur. On le souhaite à tout le monde (ou presque) et on le cultiverait bien pour soi également, si tant est qu’on le trouve. Tout ça ne concerne apparemment que la vie privée de chacun.e d’entre nous. Pourtant, à y regarder de plus près, il semble bien que le bonheur soit aussi un enjeu politique (rôle des Etats dans le bien-être des populations), économique (consommation liée au bonheur ou aux idées qu’on s’en fait) et moral (définitions des formes adéquates de bonheur…selon que vous soyez femme ou homme, par exemple). Mais alors, si notre bonheur intéresse tant de monde, peut-on encore espérer être heureuses.eux…tout en restant libres ?

 

Introduction

Dans ces quelques pages, on propose de réfléchir à ce que veut dire « être heureux ». A ce qui se cache derrière le mot bonheur, par exemple quand il est employé par les experts de la bonne santé mentale, par les médias en général ou par celles et ceux qui nous le souhaitent (« Je veux juste que tu sois heureuse »).

Ce qu’on peut espérer de l’écriture puis de la lecture d’un texte comme celui-ci, c’est qu’il nous aide à toujours garder un œil curieux (voire même parfois soupçonneux) sur ce qui nous paraît évident à première vue. Or, le fait qu’un bonheur soit promis à chaque humain, qu’il est ce qu’on peut espérer de mieux et qu’il ne dépend que de nous d’y accéder, voilà bien un discours contemporain dominant : une évidence d’aujourd’hui[1].

Au cœur des luttes féministes contemporaines, on retrouve la volonté de créer ou de préserver un espace de pensée, de mouvement et d’action le plus large possible. Autrement dit, une aspiration à la liberté. En rédigeant ces lignes on s’est demandé quelle relation cette liberté peut avoir avec le bonheur. Parce qu’on aime être en joie, nous aussi, et qu’on voudrait qu’elle dure, on s’est demandé à quelles conditions on peut vivre libres et heureux à la fois. Et quelles significations ou quelles formes peut alors prendre le bonheur. Un bonheur sans italique.

Parce que le bonheur en italique, dans ce texte-ci, c’est celui qui est surtout défini par les autres, c’est le bonheur pour les autres, celui qu’on mime pour faire partie de la bande, ou celui qu’on nous a promis et qu’on cherche tel un trésor au fond de nous qu’il ne tiendrait qu’à nous de découvrir.

A priori nous voulons tou.te.s être les plus heureux.ses possible. Et ce désir n’a rien de problématique à nos yeux tant que ce bonheur individuel peut s’inscrire dans une société ouverte et égalitaire. C’est-à-dire une société qui tente de créer les conditions d’une vie digne pour le plus grand nombre, sans que cette dignité ou le bonheur ne soient prédéfinis ni n’impliquent de renoncer à son autonomie.

Pourquoi alors se méfier des formes de bonheur qui nous sont plus ou moins imposées ? Parce que, comme on va le voir, elles semblent incompatibles avec une société solidaire et des humains autonomes et critiques. C’est aussi en cela que le bonheur est une question pertinente pour l’éducation permanente et populaire.

Dans cette analyse, nous constaterons avec Eva Illouz et Edgar Cabanas que le bonheur est devenu mesurable et qu’il est considéré comme l’indice majeur d’une « santé mentale complète » : il est à la fois une marchandise, une norme et un enjeu politique.

Puis, chez Sara Ahmed, on trouvera la confirmation que le bonheur est affaire de conformisme depuis belle lurette et que les femmes en subissent les conséquences de façon bien particulière. Quant aux féministes, on verra avec l’aide de cette philosophe que leur sensibilité préservée et « obstinée » aux injustices est précieuse et que si elles se révèlent rabat-joie, c’est bien « en ne trouvant pas si enthousiasmants les objets censés apporter le bonheur » [2].

 

A) Ton bonheur ne dépend que de toi (ou presque)

« La démocratie est impossible sans une passion démocratique, passion pour la liberté de chacun et de (tou.te.s), passion pour les affaires communes qui deviennent, précisément, des affaires personnelles de (chacun.e). On en est loin. »[3]

« Le psytoyen {psytizen} est une subjectivité individualiste et consumériste. Les citoyens des sociétés néolibérales qui montrent une telle subjectivité sont fondamentalement des clients pour qui la poursuite du bonheur est devenue une seconde nature, et qui considèrent que leur valeur dépend de leur capacité à s’optimiser en permanence »[4].

 

1-Economie et psychologie du bonheur, main dans la main.

Le bonheur est relatif. Nous, les humains, l’envisageons le plus souvent en comparant notre situation à celles que nous avons connues ou que nous observons autour de nous. Dans des situations d’adversité, nous sommes bien entendu capables de développer des forces[5] et des savoirs nouveaux mais nous apprenons aussi à ne pas attendre ce qui est hors d’atteinte ou interdit par notre position dans la société. Autrement dit, nous nous créons ce que des chercheuses.eurs ont appelé des préférences adaptatives[6] : nous adaptons nos désirs à (et les limitons en fonction de) nos conditions de vie. Pour reprendre les mots d’Alain Accardo, « faire de nécessité vertu, c'est avoir appris à refuser en nous-mêmes ce que la société nous refuse, à assumer sans réticence le destin social le plus probable qui nous est réservé et à nous réconcilier avec l'inévitable (…). En d'autres termes, l'ordre établi n'est pas seulement un ordre établi à l'extérieur de nous-mêmes. C'est aussi et surtout un ordre établi en nous-mêmes... »[7]. Martha Nussbaum donne l’exemple des veufs et veuves du Bengale, en Inde. Elle remarque que, quand il s’agit d’évaluer leur bien-être, les veufs se plaignent plus que les veuves concernant leur santé physique alors que celle-ci est objectivement meilleure que celle des femmes. Mais « la société disait (aux femmes) qu’elles n’avaient pas même le droit de continuer à vivre après le décès de leur mari »[8]. Dans un tel contexte, quelle légitimité auraient leur plainte ou leur aspiration à un degré de bonheur plus élevé ?

Ces constats auraient pu être fort dérangeants pour les psychologues et économistes du bonheur qui dès les années 90 ont commencé à travailler main dans la main. Leur ambition était et est encore de comprendre et mesurer (monétiser) le bien-être et l’épanouissement des individus humains, notamment pour faire du bonheur un instrument permettant aux Etats d’orienter leurs politiques publiques. Mais si les humains ont tendance jusqu’à un certain point à adapter leurs attentes et donc à évaluer leur satisfaction en les ajustant aux contraintes culturelles et socio-économiques qui s’imposent à eux, leur évaluation du bonheur risque fort d’être adaptée elle aussi. Autrement dit, si les individus ont tendance à évaluer leur degré de bonheur non pas dans l’absolu ou en fonction de ce qui pourrait être mais plutôt en fonction de ce qui est effectivement possible là maintenant, des politiques publiques basées sur le bonheur des personnes (donc sur leurs attentes) risquent fort de privilégier le statu quo, même s’il est injuste.

Et pourtant, un tel argument a été balayé. Différent.e.s spécialistes en psychologie du bonheur[9] ont d’abord étudié la question et conclu que les humains n’étaient la plupart du temps pas capables de bien évaluer leur degré de bonheur. Il fallait donc que des expert.e.s mettent sur pied des méthodes pour les y aider.

Un intense travail a été mené par les deux sciences depuis lors, s’appuyant sur leur soi-disant neutralité, pour démontrer la mesurabilité du bonheur et doter les Etats d’outils permettant d’évaluer avec précision les effets des politiques publiques sur le moral des populations. Sur le moral, donc sur la consommation. Un des économistes les plus influents sur cette question, Sir (!) Richard Layard, recommandait d’ailleurs en 2015, « de classer toutes les politiques publiques possibles et imaginables selon le bonheur qu’elles génèrent et qui se traduit immédiatement en dépenses consommatoires »[10].

 

      2. Les inégalités ? Que du bonheur !

Les outils utilisés par les Etats pour mesurer le bonheur des habitant.e.s ont été critiqués d’un point de vue méthodologique mais c’est toute la logique de mise en avant du bonheur individuel dans des sociétés inégalitaires et/ou dans des périodes de crise qui doit être remise en question.

Par exemple, on ne peut que sourire (jaune) quand le premier ministre anglais invite les citoyen.ne.s à « instiller de la joie dans leur cœur » peu après avoir officialisé des décisions très dures en matière de réduction des dépenses dans les services publics. Ou encore quand c’est un ministre indien qui insiste sur l’importance du bonheur immatériel dans un pays où la pauvreté et les inégalités restent si lourdes. Pareillement, on pourrait s’étonner quand des études semblent justifier les inégalités sociales en montrant qu’elles auraient un effet bénéfique sur le degré de bien-être… des moins bien lotis[11].

Pourtant, « un tel développement n’a en réalité rien de surprenant. Les valeurs méritocratiques et individualistes qui sous-tendent l’idéologie du bonheur occultent totalement les différences de classe, pourtant fondamentales, les prosélytes de cette idéologie préférant l’égalité des chances psychiques à l’égalité des conditions. (…) Il s’agit ici de prôner des conditions de compétition équitables dans un système inégalitaire plutôt que de défendre l’idée d’une réduction des inégalités économiques »[12].

En effet, pour la psychologie du bonheur (aussi nommée psychologie positive) celui-ci est avant tout une question individuelle. Or, cela n’a rien d’évident en soi. D’autres sociétés –présentes, passées ou à venir- peuvent parfaitement construire d’autres représentations du bonheur en reliant celui-ci –par exemples- à la vie dans la nature, au maintien d’une culture traditionnelle forte, à l’appartenance à une communauté qui pratique une démocratie vivante, à une société égalitaire, etc.

Malgré les nombreuses études ayant critiqué les partis pris idéologiques qui sous-tendent une telle position[13], les chercheuses.eurs en psychologie positive n’ont pas cessé d’insister sur le lien entre société individualiste et bonheur. A leurs yeux, « les circonstances de vie ne sont pas les clés du bonheur »[14] : les conditions d’existence (économiques, culturelles, sociales, politiques) n’ont que peu d’influence sur le degré de bonheur. Non, ce qui compte avant tout c’est de vivre dans une société qui encourage les individus à poursuivre leurs propres objectifs : si c’est le cas et que la personne fait les bons choix, le bonheur lui tend les bras.

 

    3- Pour vivre heureux, vivons replié.e.s sur nous-mêmes !

Si on a pris la peine de décrire une vision du bonheur qui est à la fois ethno-centrée (essentiellement construite par des membres de la classe moyenne blanche étasunienne[15]) et apolitique, donc totalement en désaccord avec l’analyse critique des conditions de vie qu’on essaye de pratiquer dans nos analyses, c’est parce qu’elle traduit certaines des valeurs dominantes qui traversent les sociétés néolibérales (donc la majorité des sociétés aujourd’hui). Et aussi parce qu’elle a potentiellement une grande influence sur nos vies en temps de crise.

En effet, les êtres humains ont tendance à se replier en eux.elles-mêmes et à valoriser une telle exploration intérieure et émotionnelle quand le degré d’incertitude et d’inconnues, ainsi que la probabilité de catastrophes à venir, sont trop grands. Ce n’est donc pas un hasard si la mise en valeur par la psychologie positive et par le Développement Personnel[16] de l’accomplissement personnel et du bonheur individuel a si bien fonctionné ces dix dernières années, après une crise financière de 2008 dont les répercussions restent énormes et dans un contexte social et écologique globalement anxiogène.

« Qui plus est, alors même que les populations n’ignorent en rien cette instabilité et cette précarité générales, les forces structurelles qui façonnent les existences individuelles restent à leurs yeux pour l’essentiel illisibles, incompréhensibles. Les sentiments d’incertitude, d’insécurité, d’absence de perspective, d’impuissance et d’anxiété se sont en conséquence enracinés dans les esprits, les discours appelant à se retirer dans la sphère de l’intimité et à se replier sur son moi trouvant ainsi le terreau idéal pour proliférer (…) »[17]. Aux yeux de Eva Illouz et Edgar Cabañas, les conséquences sociologiques d’une telle situation sont lourdes : c’est la possibilité de réfléchir et de mettre en action un changement social qui est mise à mal, fragilisée, par le repli narcissique et la recherche de zones de bonheur privé.

 

   4- Chacun.e de nous est un chantier sans fin[18]

Car on l’a vu : la ligne de force de la vision du monde portée par les nouvelles sciences du bonheur, ainsi que par la littérature de DP et les discours médiatiques/publicitaires qui l’accompagnent[19], c’est que le bonheur est à la portée de chacun.e qui décide d’y accéder et se met au travail pour cela.

A défaut d’avoir un impact sur les conditions d’existence et sur la vie en société, il s’agit bien de travailler et de transformer son intériorité. Le bonheur n’est d’ailleurs un objectif ultime qu’en apparence : il est avant tout un processus permanent d’amélioration de soi et de son rapport au monde. Bonheur et Développement Personnel sont donc devenus à la fois des passages obligés et des idéaux hors d’atteinte.

Auto-management émotionnel, authenticité et permanente amélioration de soi. L’hypothèse des auteur.e.s qui nous inspirent ici est que ces orientations de vie et le bonheur qu’elles sont censées garantir sont à tel point au cœur de nos existences qu’elles participent à créer une mentalité et un « modèle d’individualité », c’est-à-dire une façon de concevoir et de mener sa vie d’être humain sur la durée.

En combinant la valorisation de l’intérêt pour l’intériorité et la définition du bonheur comme étant un processus infini de transformation de soi, on obtient un cocktail magique dans des sociétés basées sur la consommation. Les individus développant cette subjectivité individualiste et consumériste deviennent ce qu’Edgar Cabanas a appelé des « psytoyens »[20] : leur conviction qu’une amélioration de soi est toujours possible et que le bonheur passe par là est parfaitement adaptée aux injonctions capitaliste (croissance infinie, épanouissement individuel) et néolibérale (liberté personnelle = liberté de s’améliorer, y compris dans un contexte de compétition généralisée) [21]. Pour ces « psytoyens » (mais sont-ils si différents de nous ?), le bonheur est plus qu’une émotion : il devient une norme. Et leur consommation visant au bien-être est infiniment renouvelable.

Les livres de Développement Personnel (qu’on appelle self-help –aide à soi-même - en anglais) ont été de plus en plus nombreux à proposer des outils simples et un accompagnement sur le chemin de l’épanouissement personnel. Les marchés du coaching, du soin corporel (du yoga au fitness, en passant par la course à pieds) et de la découverte de soi (des démarches inspirées de la pleine conscience proposées aux employé.e.s de Google[22] à la nage avec les dauphins de la Mer Rouge) sont florissants. Et les applications pour smartphone, telle Happify[23], proposent, pour 12 dollars par mois, de soutenir les client.e.s dans la régulation de leurs émotions et donc dans l’augmentation de leur niveau de bonheur.

Les données collectées via ces applications iront nourrir les recherches visant à toujours mieux objectiver et quantifier le bonheur, et les conclusions des chercheurs.euses-psychologues inspireront aux professionnel.le.s du bien-être et aux industriel.le.s de nouvelles idées de produits à destiner au marché du bonheur. La boucle sera bouclée.

 

   5- Vade retro, émotions « négatives » !

Une des conséquences majeures du succès de la psychologie positive ces 25 dernières années est l’avènement d’une hiérarchie émotionnelle. Positivité et efficacité sont censées aller ensemble : un individu plus positif est un individu plus capable de productivité au niveau social et professionnel. Les émotions décrites comme « négatives » sont par contre considérées comme non-fonctionnelles et synonymes d’une « santé mentale incomplète » par les scientifiques du bonheur. L’envie, la colère, la tristesse ou l’ennui sont jugées contre-productives par essence et « dysfonctionnelles ». Et « la nature politique et la fonction sociale » du ressentiment ou de la haine sont oubliées par une vision positiviste[24]. En effet, on verra plus bas avec Sara Ahmed combien les émotions « négatives » peuvent être essentielles à la réflexion critique et à la rébellion.

Le fait de les refuser ou de les mépriser est un symptôme fort du monde dans lequel nous vivons : un monde où le repli sur soi et les attitudes et émotions positives doivent primer. Dans un tel contexte, notre capacité à regarder et comprendre « les conditions {les oppressions} qui façonnent nos existences »[25] est brouillée, et cette compétence critique en devient même inutile.

De ce point de vue, la liberté, au sens d’une autonomie politique et des capacités d’agir sur le monde social qu’elle rend possible, est oubliée, négligée, secondaire, voire non-souhaitable car « prise de tête ». Et l’avènement de la culture du bonheur que nous venons de présenter semble donner raison à Cornélius Castoriadis qui, il y a 30 ans déjà, faisait le constat pessimiste que « le type {d’humain} au jugement indépendant et concerné par les questions de portée générale (…) est aujourd’hui remis en cause. {Non qu’il ait} complètement disparu. Mais il est graduellement et rapidement remplacé par un autre type d’individu, centré sur la consommation et la jouissance, apathique devant les affaires générales, cynique par rapport à la politique, le plus souvent bêtement approbateur et conformiste. On ne voit pas que nous vivons une ère de conformisme profond et généralisé. »[26]

Aux yeux des auteur.e.s, ce sont pourtant la solidarité, « la justice et le savoir, non le bonheur, qui restent l’objectif moral révolutionnaire de nos vies »[27]. Une façon de s’approprier ce point de vue radical pourrait être la suivante : ne pas se désintéresser du bonheur ni le mépriser, mais plutôt lui donner notre propre sens en l’associant aux luttes personnelles et sociales pour plus de liberté, ainsi qu’aux victoires qui en découleront. Dans une telle perspective, le bonheur n’est plus une obligation mais devient une possibilité et une aventure, aussi bien collective qu’individuelle.

Et à ce propos, quelles perspectives et quel espoir peut donner une critique féministe du bonheur ? Et quels liens entre bonheur et liberté peut-elle nous aider à recréer ? C’est ce que nous allons découvrir avec la philosophe Sara Ahmed, auteure en 2010 d’un livre intitulé « The Promise of happiness »[28] (« La promesse du bonheur »).

 

B) Des féministes peu douées pour le bonheur…et c’est tant mieux !

Like you, I am not fine, like you, my life is about maintaining the appearance of being fine, an appearance which is also a disappearance. {Comme toi, je ne vais pas bien, comme toi, ma vie consiste à maintenir l’apparence d’aller bien, une apparence qui est aussi une disparition}[29]

Indeed the very act of recognizing injustice in the present is read as a theft of optimism, a killing of joy, a failure to move on or put certain histories behind us. {En effet, le seul acte de reconnaître l’injustice dans le présent est perçu comme un vol d’optimisme, une incapacité à avancer ou à laisser certaines histoires derrière soi}[30]

 

     1- Le bonheur…si tu sais rester à ta place

Ce qu’on retrouve et qu’on aime dans le style limpide et les idées fortes de Sara Ahmed, c’est son scepticisme par rapport à un bonheur socialement défini (défini par d’autres) et censé orienter nos vies à tou.te.s. Elle invite à se poser des questions simples : à quelles vies associe-t-on ce bonheur-là ? De quelles vies pense-t-on qu’il dérive ? Quel genre de monde prend forme là où le bonheur (ou le Développement Personnel, par exemple[31]) offre un horizon ? Et elle nous propose de décortiquer les normes que cachent (ou que dévoilent) les réponses que nous trouverons à ces questions.

L’espoir du bonheur nous oriente dans certaines directions et vers certains objets, socialement valorisés dans le contexte politico-social qui est le nôtre (objets au sens large : de la robe d’été aux enfants en bas âge, de la grossesse au régime, du grille-pain aux repas de famille, de la fellation au couple hétéro, etc.). Vers certains objets et pas d’autres. En ce sens, le bonheur est un objectif justifiant des scripts comportementaux : c’est-à-dire des scénarios plus ou moins précis qui spécifient comment nous devons agir et nous positionner individuellement et dans les relations sociales (au hasard : rester positives.fs, fonder un couple, devenir propriétaire, faire des enfants, aimer prendre soin des bébés et le faire savoir, cuisiner avec plaisir et inventivité, prendre soin des autres et les écouter, mener de front sans sourciller une carrière et la parentalité…). Sara Ahmed considère notamment que les attentes sociales liées à notre identité sexuelle officielle sont des scripts de genre qui nous disent comment agir pour être un homme ou une femme heureuse.eux (on est un homme OU une femme : peu ou pas de place pour les nuances).

Les scripts de genre sont donc des scripts du bonheur : correspondre au mieux aux idéaux socialement associés à notre sexe (aux « idéaux de genre ») est censé nous mener au bonheur.[32]

Du point de vue de ces assignations de genre, les puissants mouvements de femmes depuis deux siècles ont bien entendu permis des avancées majeures sur le plan du droit et, dans une certaine mesure, des pratiques (les femmes ne sont plus cantonnées au foyer, elles peuvent vivre seule ou en mère célibataire sans être systématiquement pointées du doigt, tous les métiers leur sont ouverts, le viol conjugal est aujourd’hui reconnu comme tel, …). Mais ces progrès ne nous dispensent pas de devoir composer avec un héritage pesant. Par exemple celui de Jean-Jacques Rousseau que rappelle Ahmed. Au 18è siècle, il décrivait dans « Emile ou De l’éducation » comment le bonheur de la femme devait être parfaitement dépendant de celui de ses proches, donc de la vertu avec laquelle elle se tenait aux missions qu’imposent son sexe. En gros, les jeunes femmes étaient censées désirer le bonheur de leurs parents…qui était qu’elles se concentrent sur le bonheur de leurs conjoints. Toute autre forme de bonheur éventuel, c’est-à-dire de désirs, risquant de ruiner le bonheur des proches mais aussi le fragile équilibre social que permet justement le respect de sa place et de son rôle, donc de la forme de bonheur qui y est associée.

Même si les marges de liberté laissées aux femmes bougent sous leur impulsion, même si les attentes à leur égard sont souvent moins figées aujourd’hui que sous la plume du philosophe des Lumières, nos sociétés restent traversées par une vision à la fois différentialiste, complémentariste et hétéronormative des sexes et du couple[33] : celui-ci est composé d’un homme et d’une femme qui sont fondamentalement complémentaires (et égaux ? Peut-être, mais dans la différence !).

Et le bonheur serait donc une affaire de normalité. Il serait ce qui arrive quand on agit conformément aux normes dominantes. Ce qui pour beaucoup veut dire aussi : conformément à notre nature –donc selon ce que notre sexe « naturel » nous porte soi-disant à faire.

 

    2- Celles à qui le bonheur et ses normes ne conviennent pas

Il s’agit juste « de vouloir et d’être capable d’éprouver du bonheur à proximité des bonnes choses »[34]. L’espoir (la promesse !) du bonheur fait qu’on se tient aux scripts de genre, comme si ces scripts représentaient les seuls chemins possibles vers lui. Et même si on ne s’y sent pas aussi bien dans sa peau qu’attendu.

La norme et les assignations qui l’accompagnent peuvent être mises en lumière par deux voix pourtant opposées.

D’un côté par la voix de celle.ux.s qui affirment que la rabat-joie féministe[35] et plus largement le féminisme, en encourageant les femmes à sortir de leur foyer : a) les éloignent de leur mission qui consiste à créer les conditions du bonheur au sein de leurs maisons par le seul fait d’adhérer à cette vision de la mère de famille heureuse ; b) éloignent au fond la possibilité du bonheur pour elles-mêmes mais aussi pour leurs proches.

Et de l’autre côté par celles et ceux qui ne trouvent pas leur place d’emblée dans le grand bain sociétal et qui jouent potentiellement un rôle critique essentiel quand elles.ils s’autorisent à exprimer et à raconter leur malaise, leur insatisfaction, leur tristesse ou leur colère.

Contrairement à ce que laisse entendre un discours du type « être heureuse ? il ne tient qu’à toi », nous sommes inégales.aux face au bonheur. Pour en prendre la mesure et le garder à l’esprit, soyons à l’écoute des récits de celles et ceux qui ne trouvent pas le « flow », qui ne trouvent pas leur place de « gens heureux dans des mondes heureux » [36], de celles et ceux à qui ce bonheur-là résiste ou qui lui résistent.

Les féministes peuvent être considérées comme celles qui à la fois ne se satisfont pas des objets du bonheur tels que la société les définit (souvent via les parents[37]) et expriment leur insatisfaction concernant cette pression à devoir être heureuses auprès des objets en question et en suivant les scripts écrits pour elles à l’avance[38]. L’expression de leur insatisfaction met en lumière et questionne les normes sociales. A ce titre, elles sont des fauteuses de trouble, des perturbatrices (troublemakers, en anglais) –et ce d’autant plus aux yeux de celles et ceux pour qui le bonheur des femmes est censé passer précisément par le fait de ne pas créer de perturbation en veillant à la paix (du foyer) et au bonheur des autres.

 

     3- Contre un bonheur conformiste, l’imagination

« Rendons à notre Émile sa Sophie : ressuscitons cette aimable fille pour lui donner une imagination moins vive et un destin plus heureux. »[39]

Les féministes « faiseuses de problème » sont donc celles qui prennent la parole à partir d’un sentiment d’injustice. Celles qui dénoncent. Celles qui dévoilent ce que d’autres n’ont pas intérêt (parce que certains privilèges –de race ou de classe, notamment- leur permettent de bénéficier de l’organisation injuste du monde) ou n’ont plus le courage de regarder en face (parce que l’espoir de transformer cette organisation est trop lourd à porter, ou encore parce qu’elles ont déjà trop souffert des violences qui attendent celles qui sèment le trouble par leur esprit critique et leur désir de justice).

Ce sont aussi celles qui usent de leur imagination pour penser que d’autres manières de vivre sont possibles. Et désirables. Car le bonheur dénoncé par Illouz ou Ahmed est celui qui soutient un ordre social, une sorte d’ordre naturel des choses qui dépend pour se maintenir en place du fait que les humains concernés, et les femmes en particulier, tiennent leur imagination en laisse : celle-ci n’a le droit de fonctionner qu’au sein des frontières étroites du familier, du conforme.

Sara Ahmed fait l’hypothèse que si les féministes sont rabat-joie ce n’est pas seulement parce qu’elles abordent des sujets confrontants et non-légers tels que le sexisme ou la culture du viol. C’est aussi parce qu’elles dévoilent cette vérité dérangeante : le bonheur (ou son illusion) est maintenu grâce au fait que des femmes (et, dans une moindre mesure, des hommes) cachent le sentiment de malaise qu’elles éprouvent auprès des objets censés apporter ce bonheur et gardent pour elles cette impression de ne pas être en accord avec la place qui leur est plus ou moins brutalement attribuée.

 

    4- Entre émotions et prise de conscience : chercher la liberté

Un des points de tension, quand on aborde le bonheur avec un regard critique et féministe, c’est la question… du malheur. Un discours récurrent (et un stéréotype tenace) à propos des féministes revendiquées suggère qu’elles sont en colère car elles sont malheureuses (mal-baisées, dépressives, etc.). Les sujets qu’elles mettent sur le tapis peuvent alors être balayés du revers de la main puisqu’au lieu de questionner les limites du bonheur tel qu’il nous est vendu, ils deviennent des problèmes liés à la déprime (à l’absence intrinsèque de bonheur) propre à ces femmes-là. Ou à leur colère. Leurs émotions ne sont pas considérées comme des conséquences de situations d’injustice et de violences subies. Au contraire, leurs avis et leurs critiques sont lues comme le résultat d’émotions apparues là sans raison particulière (en quelque sorte autoproduites) : elles sont ainsi décrédibilisées et neutralisées. C’est le cas pour « les féministes » en général et en particulier pour certaines d’entre elles, que la couleur de peau, la classe sociale, l’orientation, l’identité sexuelle ou encore l’âge exposent à des violences multiples et entremêlées[40].

Une critique féministe du bonheur exprime effectivement un désaccord avec les rapports de force et la violence qui se cachent sous certaines formes conformistes de bonheur et en particulier sous les signes de bonheur (le sourire, par exemple[41]) qui sont attendus des femmes, en particulier, quand elles sont à la place qui leur a été assignée (auprès d’un homme, attentive à ses enfants et aux autres en général, maquillée, etc.). Mais ce désaccord ne signifie pas pour autant que les femmes féministes sont condamnées au malheur.

Au contraire, la critique et le refus de cette promesse du bonheur est une critique et un refus de l’étroitesse du chemin socialement admis pour atteindre le bonheur. Refuser de sourire à tout bout de champ pour montrer qu’on est suffisamment heureuses à notre place, pour rassurer tout le monde sur notre capacité à trouver la joie où on nous invite à la trouver, revient à chercher ce qui nous fait réellement sourire, ce qui éveille une joie sincère et du désir en nous.

En fait, le refus féministe de cette pression au conformisme et du bonheur tel qu’il m’est donné (ou vendu) est aussi et avant tout une lutte pour maintenir en vie l’imagination, la création, le désir et le plaisir de la découverte. Ce refus se nourrit d’une volonté d’élargir les possibilités d’expérimentations et donc de s’ouvrir à la possibilité de joies nouvelles, qui ne soient pas déterminées à l’avance par les autres (y compris par des proches bien intentionné.e.s qui craignent de nous voir sortir des rangs pour chercher d’autres sources de bonheur parce qu’ils.elles appréhendent les conséquences sociales d’une telle originalité). Le refus d’adhérer aux formes de bonheur et à la bonne vie qui nous sont imposées est une recherche de liberté.

Dans une perspective féministe et qui plus est dans le cadre d’une éducation permanente, la prise de conscience (« the rising of consciousness ») est donc aussi une prise de conscience de son insatisfaction, de son mal-être. Ou en tout cas une prise de conscience des origines sociales de son mal-être. Une prise de conscience que bonheur tel qu’il m’est promis implique de renoncer à un ensemble de chemins, que des « possibles sont perdus avant de pouvoir être vécus, expérimentés ou imaginés »[42], que des rapports de force se jouent dans la définition de ce que doit être le bonheur pour moi, puis dans la façon dont je me conforme ou pas aux styles de vie (amoureuse, conjugale, sexuelle, amicale, de consommation, …) attendus de moi. Une prise de conscience que les injonctions (ou les scripts) de genre qui, peut-être, me paraissaient normales jusque-là constituent en fait des frontières à ce qui m’est permis, en tant que personne et en tant que corps. Ce sont donc aussi des limitations à ma joie et à mon plaisir d’exister : des injustices.

 

   5- Se servir du malaise et de l’injustice en éducation populaire

Un usage plus libre de son imagination ne mène pas au malheur ou à la souffrance mais libère au contraire du bonheur et de ses frontières étroites. Une des missions de l’éducation populaire et permanente est d’ailleurs de libérer l’imagination (au besoin) et de lui donner des espaces d’expression collective.

Ces espaces doivent également accueillir les émotions en jeu, notamment quand elles semblent négatives. Car si l’ouverture à d’autres scénarios de vie peut pousser à refuser de se contenter de ce qui est, elle donne, par la même occasion, un accès plus direct et intense à certaines formes de douleurs et de mécontentements.

Il est essentiel de ne plus considérer la souffrance et la colère comme des émotions « négatives » et honteuses mais de les assumer et de s’en nourrir pour en faire les carburants ou les détonateurs de réflexions critiques à propos des dangers/des limites du bonheur conformiste (Ahmed) et marchand (Illouz et Cabanas), mais aussi à propos d’aspirations et d’actions dessinant de nouveaux bonheurs possibles.

La souffrance mérite donc d’être ressentie et observée. Non pas pour vivre en victime consentante ou par masochisme, mais pour mieux observer les causes de ce malheur et refuser parfois, pour un temps du moins, de passer à autre chose et de plonger à l’aveugle vers un avenir qu’on espère plus heureux (cet avenir auquel invite par exemple l’auteur de violences conjugales quand il offre des excuses et un cadeau, espérant que sa compagne oubliera toutes ces histoires – « tout ça c’est du passé ! » - et que le couple pourra repartir de zéro).

Cela implique d’assumer que le passé a un effet sur le présent, autrement dit que les histoires d’injustice vécues ne prennent pas fin simplement parce que le temps passe. Cela implique de considérer que les sentiments qui découlent de l’injustice ne sont pas que des poids nous rattachant inutilement au passé et au malheur et dont il faudrait se débarrasser pour aller de l’avant mais sont aussi une base nécessaire pour imaginer et lutter.

Ici, les causes de la douleur ne sont pas à rechercher au sein de l’individu, comme le suggère souvent la littérature de Développement Personnel. Les causes sont liées au comportement d’individus au sein d’une société donnée. « Nous devons faire ce travail {de détection des causes de la douleur} si nous voulons développer des compréhensions critiques de la violence en tant que rapport de force où un tort est infligé à certains corps et pas à d’autres »[43].

On aurait envie parfois que celles qui souffrent –notamment quand on les aime- passent à autre chose (à la réconciliation, par exemple) plutôt que de s’attarder sur des sentiments désagréables et de nous alourdir avec leur tristesse ou leur malaise. Mais ce que Braidotti nous dit via Ahmed, c’est que ce n’est qu’en acceptant ces sentiments-là et en les analysant qu’on peut travailler des situations où se jouent l’injustice et la souffrance pour les transformer.

Reconnaître et accueillir nos émotions négatives puis analyser leurs origines, en solo et à plusieurs, s’avère être un pilier pour une approche critique collective de notre époque et des oppressions qui structurent encore nos sociétés. Soit pour ce qu’Ahmed nomme une « conscience révolutionnaire ».

 

     6- Ni obligé, ni prédéfini : voir le bonheur comme une possibilité

“The struggle against happiness as a necessity is also a struggle for happiness as a possibility {La lutte contre le bonheur en tant que nécessité est aussi une lutte pour le bonheur comme possibilité}[44]

Le bonheur comme promesse… c’est aussi un chemin bien tracé, jalonné par des étapes qui sont autant de bons points menant à une vie accomplie et par conséquent… au bonheur. Une perception alternative du bonheur demande, nous suggère Ahmed, de ne plus le chercher, de ne plus l’attendre, mais de le voir comme une possibilité. Peut-être parce que quand on cherche on est toujours orienté.e, toujours plus ou moins en attente de quelque chose de prédéfini et qu’on se ferme alors à l’aventure, au hasard et à de nouvelles opportunités de vie et d’attachements. On se prive involontairement de la possibilité d’échapper aux scripts de bonheur dont on a hérité et d’être affecté.e positivement (d’être touché.e) par des objets inattendus, imprévus, voire interdits.

Ne voir dans le bonheur qu’une possibilité, c’est à la fois une invitation à accueillir le hasard et une ouverture sur des vies alternatives : le possible est bienvenu, même s’il ne correspond à aucune norme.

 

Conclusion

Dans cette analyse, on a montré que le bonheur n’est plus seulement un enjeu privé et innocent. On a vu :

- que des branches entières de l’économie et de la psychologie en ont fait un objet d’étude et que de nombreux Etats le considèrent aussi comme un indice fiable pour mesurer la qualité de leurs politiques et en imaginer de nouvelles,

- que le bonheur est un élément-clé du marché : chacun.e est invité.e et habitué.e à consommer quand il.elle est heureux.se, mais aussi quand il.elle aspire au bonheur ; que le bonheur est aussi censé.e faire de nous des employé.e plus productif.ve.s,

- que la recherche du bonheur individuel pouvait être considérée comme une prescription qui nous est faite par la psychologie positive ; prescription qui passe autant par la littérature de vulgarisation que par la publicité, le coaching, le monde de l’entreprise, etc.,

- que cette tendance forte à la valorisation du bonheur personnel et à l’amélioration infinie de soi risque d’aller de pair avec la mise à distance des questions citoyennes et collectives, donc d’une pratique enthousiaste et exigeante de la démocratie,

- que le bonheur est donc devenu une norme. Et que différent.e.s expert.e.s avaient des avis clairs sur les ingrédients qui le composent et sur les moyens d’y accéder,

- que cette norme prend des formes différentes selon qu’elle s’adresse à des femmes ou des hommes,

- que le mal-être et le refus des modes de bonheur qui me sont désignés peuvent être vus comme une critique des modes en question ; une critique qui est aussi une étape dans la recherche des formes de vie qui, elles, me conviennent : celles qui pourraient bien mener à des bonheurs non-formatés.

La question de la liberté a finalement traversé cette analyse sur le bonheur. De notre point de vue, l’une et l’autre ne s’opposent pas. Mais les pratiques de la liberté passent, d’une part, par une critique ferme des modes de bonheur qui se présentent à nous sous la forme de l’évidence et, d’autre part, par une méfiance sans failles à l’égard des pressions au bonheur individuel qui ont notamment pour effet de rejeter à l’arrière-plan les thématiques de solidarité et de justice sociale.

Des activités en éducation permanente devraient se saisir de ces deux étapes critiques. Et permettre d’expérimenter -individuellement et collectivement- les formes de bonheur qui pourraient bien accompagner cette liberté.

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Pour citer cette analyse :

Roger Herla, "En quoi le bonheur est-il un piège? Une critique féministe", Collectif contre les violences familiales et l’exclusion (CVFE asbl), juin 2019. URL : https://www.cvfe.be/publications/analyses/203-en-quoi-le-bonheur-est-il-un-piege-une-critique-feministe

Contact :  Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser. – 0471 60 29 70

Avec le soutien du Service de l’Education permanente de la Fédération Wallonie-Bruxelles et de la Wallonie.


 
Notes:

[1] Eva Illouz et Edgar Cabañas, « Happycratie. Comment l’industrie du bonheur a pris le contrôle de nos vies », Premier Parallèle, 2018.

[2] La citation est de Sara Ahmed, qui considère le « rabat-joie-isme » féministe comme salutaire et qui consacre un chapitre de son livre aux Feminist Killjoys (rabat-joie féministes) ainsi qu’un article publié en 2012 dans les Cahiers du genre, « Les rabat-joie féministes (et autres sujets obstinés) ».

[3] Cornelius Castoriadis, « L’idée de révolution », entretien datant de 1989, publié dans « Le Monde Morcelé », Seuil, 1990, p.210.

[4] Eva Illouz et Edgar Cabañas, op.cit., p.154.

[5] Dana Becker, Jeanne Marecek, « Dreaming the american dream: individualism and positive psychology », Social and personality psychology compass 2/5, 2008, 1767-1780. Disponible ici : https://onlinelibrary.wiley.com/doi/epdf/10.1111/j.1751-9004.2008.00139.x

[6] Lire par exemple à ce propos Martha Nussbaum évoquant les apports d’Amartya Sen, « Capabillités », Climats-Flammarion, 2011, p.81.

[7] Alain Accardo, Introduction à une sociologie critique, Agone, 2006. Citation à retrouver comme tant d’autres sur le site des Renseignements Généreux : http://www.les-renseignements-genereux.org

[8] Martha Nussbaum, op.cit., p.82.

[9] Illouz et Cabañas citent par exemple Daniel Kahneman, psychologue qui obtiendra le prix Nobel… d’économie pour ses recherches aboutissant notamment à la conclusion que les jugements des gens sont habituellement basés sur des raisonnements intuitifs liés à leur expérience du quotidien et par conséquent « défectueux », op.cit., pp.49-50.

[10] Eva Illouz et Edgar Cabañas, op. cit., p.63.

[11] L’existence même des nantis apportant de l’espoir aux plus modestes. Ibidem, pp.66-70.

[12] Ibidem, p.70.

[13] Eva Illouz et Edgar Cabañas, op. cit., p.79.

[14] Sonja Lyubomirsky, directrice du laboratoire de psychologie positive de l’université de Californie et auteure du best-seller « Comment être heureux et le rester ? Augmenter votre bonheur de 40% ! », citée par Illouz et Cabañas, p.84.

[15] D. Becket, J. Marecek, op.cit.

[16] Lire Roger Herla, « Les limites du Développement Personnel. Une critique féministe », cvfe.be, 2019

[17] Eva Illouz et Edgar Cabañas, op.cit., p.90.

[18] Ce point 4 est construit à partir du chapitre « Egos heureux à vendre » du livre de E. Illouz et E. Cabañas. En particulier des pages 149-170.

[19] Les émissions de télé-réalité, notamment, proposent différentes formules censées mener au bonheur : https://www.liberation.fr/evenements-libe/2013/04/04/tele-realite-le-bonheur-a-la-carte_893703 

[20] E. Cabañas,  “Rekindling individualism, consuming emotions: Constructing “psytizens” in the age of happiness, Culture and psychology, 15/6/2016.

[21] Ibidem, « Epanouissez-vous », pp.178-181

[22] Ibid, p.95.

[23] Décrite en détails par les auteur.e.s, ibid., pp.160 et sv.

[24] Ibid, p.209. Ajoutons qu’il n’y a pas lieu non plus de séparer purement et simplement des émotions qui cohabitent souvent, ni de les classer en fonction de leurs effets supposés alors que ceux-ci varient (pp. 206-208).

[25] Ibid, p.236.

[26] Cornélius Castoriadis, op.cit., p.208 (1989).

[27] Eva Illouz et E. Cabañas, op.cit., p.236.

[28] Disponible sur internet à cette adresse : https://we.riseup.net/assets/406978/ahmed-the-promise-of-happiness.pdf

[29] Sarah Ahmed, « The Promise of happiness », Duke University Press, 2010, p.76. Disponible ici : https://we.riseup.net/assets/406978/ahmed-the-promise-of-happiness.pdf

[30] Ibidem, p.162.

[31] Roger Herla, « Les limites du DP… », op.cit.

[32] Notons que cet encouragement à se conformer à des « scripts » paraît à première vue incompatible avec la recherche en soi-même d’un Moi authentique (qu’encourage la littérature de Développement Personnel ainsi que des émissions à succès telle que The Voice). Mais il doit être possible de trouver un Soi singulier …adapté aux scripts dominants.

[33] En ce sens, la société reste aussi mono-normative : la norme c’est l’amour monogame, soit le couple.

[34] Sara Ahmed, op.cit., p.59.

[35] Lire par exemple à ce propos l’article de Meghan Rourke, « Desperate feminist wives », Slate, 2006. Disponible ici: https://slate.com/news-and-politics/2006/03/why-feminist-wives-are-unhappy.html

[36] Sara Ahmed, op.cit., p.11.

[37] Sara Ahmed suggère que le bonheur est aussi un devoir dont l’enfant hérite de la génération qui le précède. Il s’agit pour lui de montrer les signes du bonheur d’une façon attendue, tel un contre-don après tout ce que ses parents ont fait pour lui.

[38] Sara Ahmed, op.cit., p.60.

[39] J-J Rousseau, dans « Emile ou De l’éducation », cité par Sara Ahmed, op.cit.

[40] Sara Ahmed, op.cit.p.67-68.

[41] Barbara Ehrenreich a écrit à propos des pressions à la pensée positive et au sourire un livre fameux aux Etats-Unis, intitulé « Smile or die » (Souris ou meurs!), Granta Books, 2010 (qui apparemment n’a pas encore été traduit).

[42] Sara Ahmed, op.cit., p.165.

[43] Sara Ahmed, op.cit., p.216.

[44] Ibidem, p.222.

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