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Médias audiovisuels : où sont les femmes ?

En cette année 2015, le CSA français se mobilise contre les inégalités de représentation existant entre les femmes et les hommes au sein des médias audiovisuels. Un certain nombre d’initiatives devraient être prises pour rééquilibrer la présence des femmes sur les écrans par rapport à celle – très dominante -, des hommes, induisant cette question : mesures efficaces ou initiatives purement symboliques, sans portée réelle ?

 Chez nos voisins français, le Conseil supérieur de l’audiovisuel a enfin décidé de prendre le taureau par les cornes (ou la vache par les pis, c’est selon) en matière d’égalité hommes-femmes dans les médias, et en particulier à la télévision. Concrètement, à partir du 1er mars 2015, le CSA va prendre de nouvelles mesures pour améliorer la situation.

Quelle mouche a donc piqué le CSA français ?

Quelle situation, vous dites-vous d’un air dubitatif ? Eh bien, être une femme à la télévision, ce n’est pas la fête du slip tous les jours[1]. Quand elles n’essuient pas des commentaires sexistes, elles servent de « faire-valoir » aux présentateurs dans leurs émissions. Les femmes sont ainsi victimes de stéréotypes ou elles endossent elles-mêmes des rôles très stéréotypés pour faire monter l’audimat. Repensons par exemple à Victoria Silvstedt dans la Roue de la Fortune aux côtés de Christophe Dechavanne : elle y occupait le rôle bien particulier de la blonde sexy qui n’a pas d’autres compétences que de rire aux blagues pas drôles de son comparse ou de faire tourner les lettres tout en souriant. Bref, ce genre d’exemple ne manque pas : n’hésitez pas à en allonger la liste dans les commentaires.

Mais pourquoi donc le CSA français décide-t-il de s’attaquer à cette problématique en 2015 ? Ferait-il l’objet de pressions de la part de furies féministes hystériques menaçant de brûler leur soutif à chaque remarque sexiste ? Allez, un soutif brulé, un ! A travers cette boutade, vous remarquerez que des stéréotypes, on n’en véhicule pas QUE par le biais de la télévision, quoique cette dernière soit tout de même un des principaux vecteurs de communication populaire.

Quel bien-fondé pour les quotas ?

L’attitude du CSA trouve son origine dans une motion relative au respect des droits des femmes à la télévision, délibération adoptée le 4 février 2015. Mieux vaut tard que jamais, dirons-nous, mais dans un pays qui prône liberté, égalité, fraternité, c’est assez surréaliste. En parlant de surréalisme, nous nous attarderons bientôt sur ce qui se passe en Belgique. Mais, en attendant, continuons d’analyser cette mesure pro-féministe du CSA français !

En ligne de mire du Conseil, la représentation féminine dans les médias audiovisuels. Concrètement, ces derniers vont devoir compter le nombre de femmes et d’hommes qui apparaissent sur leurs chaînes, qu’il s’agisse des présentateurs/trices, des animateurs/trices, des journalistes, des expert-e-s, des chroniqueurs/euses, mais aussi des invité-e-s ! Les quotas ont décidemment la cote ! Et pour cause, alors que les femmes représentent 51,1 % de la population française, elles n’étaient que 35% à intervenir à l’écran.

Cette première mesure peut faire l’objet de débats…   Et de manière générale, l’instauration de quotas pour avancer en matière d’égalité hommes-femmes, quels que soient les secteurs, est discutable. Selon moi, il s’agit d’une mesure symbolique, une mesurette facile qui vise à faire taire les mécontent-e-s, car l'instauration de quotas ne peut à elle seule créer l'égalité.

Dans ce cas précis, ce n’est pas la plus large représentation de femmes à la télévision qui va réellement changer le regard de la société sur elles et le rôle que l’on attend d’elles. Seule une action globale alliant mise en place de quotas, politique d’égalité hommes-femmes et lutte contre les stéréotypes permettra de donner réalité à l'égalité entre les femmes et les hommes. A condition qu’on s’en donne les moyens autrement que par des mesures quantitatives qui imposent plus qu’elles ne sensibilisent.

Lutter contre les préjugés sexistes et les violences faites aux femmes

Mais le CSA ne se limite pas à ça, il va également regarder de près les programmes que proposent les chaînes de télévision en imposant des contenus susceptibles de contribuer à la lutte contre les préjugés sexistes et les violences faites aux femmes et ce, quelle qu’en soit la forme : programmes de fiction, débats, documentaires. Le CSA s’est également engagé à proposer ces contenus aux heures de grande audience afin de sensibiliser un maximum de téléspectateurs et téléspectatrices.

L’attention sera également portée sur les programmes « jeunes », comme les télé-réalités et autres fictions. Le contenu sera passé au script…pardon, au crible, pour évaluer si, oui ou non, l’image de la femme y est stéréotypée. Et là, il y a du boulot ! L’initiative est encore une fois très convaincante, mais je serais quand même curieuse de connaître les critères d’évaluation qui seront adoptés, ainsi que leur champ d’action. Sera-t-il possible d’interdire la diffusion d’émissions comme les « Anges de la téléréalité » ? Non, par contre, je vois très bien arriver leur bannière « Attention, cette émission contient des stéréotypes dangereux pour vos relations présentes et futures, veuillez ne pas vous en inspirer ». On peut lancer les paris dès à présent !

Ensuite, selon le Figaro, le CSA « propose aussi aux médias d’imposer sur leur antenne un nombre minimal d’œuvres ou de sujets de journal réalisés par des femmes ». On saluera la grande bonté du CSA, mais qui va se charger de leur dire que soit on propose, soit on impose. On ne peut pas faire les deux… On comprendra que cette mesure n’a rien d’obligatoire et qu’elle est tout aussi symbolique que les autres.

Pour finir, conformément à la loi française du 4 août 2014 relative à l’égalité entre hommes et femmes en matière de communication audiovisuelle, toute diffusion de propos sexistes ou d’images dégradantes pour la femme dans les médias audiovisuels sera sanctionnée par des poursuites.

La situation en Belgique

Et en Belgique, où en est-on ? D’après le site du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel belge, aucune mesure de ce type n’est encore prise. Au contraire, le CSA belge nous informe que les femmes restent sous-représentées dans les médias audiovisuels de la Fédération Wallonie-Bruxelles[2].

Selon le dernier baromètre de la diversité et de l’égalité datant de 2013 (oui, nous avons un baromètre à défaut d’avoir une diversité et une égalité dans la représentation des hommes et des femmes au sein des médias ; l’action ne suit pas la réflexion) :

  • Les femmes représentent 51% de la population belge. Pourtant 2/3 des intervenants à la télévision sont des hommes ;
  • L’information constitue, avec le sport, le genre télévisuel le plus inégal : on n’y retrouve que 32,20% d’intervenantes ;
  • La représentation des femmes est plus faible encore dans l’information à portée internationale : elles y sont 22,18% ;
  • Les émissions de débat témoignent de l’effacement des femmes dans l’espace public médiatisé : on en compte 30,56% ;
  • En plus d’être sous-représentées à l’écran, les femmes ont généralement moins accès à la parole, ont des rôles médiatiques moins prestigieux et sont plus vaguement identifiées que les hommes.

Voici toutes ces données chiffrées… Je vous laisse zieuter à votre aise pendant que les Ginger préparent une action pour harceler le CSA belge et le forcer à prendre les mêmes mesures que son homonyme français. Ben oui, parce qu’on a beau les avoir critiquées, elles ont au moins le mérite d’exister !

Rpartition des sexes

 

Un quart des journalistes sont des femmes

En Belgique francophone, l’info gomme une femme sur deux. En effet, seules 24% des personnes qui nous informent par la presse écrite, la radio ou la télévision sont des femmes. Mmh... Ça sent bon la parité ça ! Parallèlement, les femmes sont cantonnées dans des rôles liés au divertissement. On réduit littéralement la femme à un rôle de bouffon, pas suffisamment « sérieuse » pour informer les petites gens. Son savoir ne serait-il pas plus légitime que celui d’un homme parce qu’elle est une femme ?

Au-delà du fait qu’on ne cible ici que les médias, le plus dur à encaisser dans toute cette histoire de « diversité et d’égalité », c’est qu’aujourd’hui, plus que jamais, ces derniers occupent une place aussi importante que l’école ou l’éducation en matière de socialisation, si pas plus. Les médias sont omniprésents dans nos lieux de vie, ils vont même jusqu’à organiser nos relations interpersonnelles (qu’on pense aux réseaux sociaux).

Leur rôle de socialisation est certes critiquable, mais il reste fondateur. Ils jouent un rôle dans la construction de nos identités, dans la façon dont nous nous définissons, dont nous nous percevons, mais surtout dans la façon de percevoir les autres et le monde qui nous entoure. Et c’est là qu’est le problème : comment voulez-vous percevoir le monde à travers les médias, si ceux-ci vous envoient une image de sous-représentation de la femme ? Quel message laisse-t-il passer ? Que la femme est invisible, transparente, qu’elle ne sert à rien ? Une chose est sûre : la sous-représentation généralisée des femmes que l’on peut y observer (parce qu’il ne s’agit pas seulement d’un problème français ou belge, mais bien mondial), ainsi que les stéréotypes de genre participent à la non-construction d’une société réellement égalitaire.

Les médias nous représentent-ils ?

On peut aussi s’interroger sur le sens des représentations stéréotypées des hommes et des femmes par les médias ? Ces derniers ont un réel impact dans la façon dont on va se définir et définir les autres, mais ils vont surtout s’inscrire dans nos têtes et l’on va transmettre « cet héritage culturel » aux générations futures. Ce qui signifie que, si personne ne contrôle ce bordel via les médias, tout le monde continuera à croire qu’une femme, c’est plus beau dans la cuisine que sous un pot d’échappement (d’accord, la comparaison est foireuse, mais vous comprenez l’idée !).

On parle de « représentations » depuis tout à l’heure, mais avez-vous sincèrement la conviction que les médias nous représentent ? En ce qui me concerne, il est clair que non. Jamais je n’ai pu m’identifier à cette bonne femme qui attend mari et enfant pour leur faire goûter le nouveau produit untel. NEVER. En plus de donner des visions stéréotypées des hommes, des femmes, des enfants et même des animaux domestiques, les médias stéréotypent aussi les relations amoureuses. Avez-vous déjà vu une publicité qui met en scène un couple homo ? Bien sûr que non. Les médias sont vecteurs d’idées traditionnelles qui ne reflètent pas les évolutions sociétales.

Alors que de plus en plus de femmes siègent dans des conseils d’administration (quoiqu’elles y soient aussi grâce aux quotas imposés) ou dans les parlements, dirigent leur entreprise ou leur équipe, que les hommes sont de plus en plus nombreux à assumer enfants et tâches domestiques, les médias ne s’en font pas l’écho et n’en donnent aucune visibilité, parce qu’ils n’y accordent pas d’importance, comme s’ils vivaient sur autre planète. On dirait qu’ils s’obstinent, qu’ils renforcent les vieux mythes, persuadés que les compétences sont sexuées. Jamais une femme ne pourra avoir un rôle autoritaire dans une série télévisée, elle sera toujours « méchante » ou, à l’inverse, apparaîtra comme la bonne poire.

 

 

Presse francophone : les femmes toujours sous-représentées, dans des rôles principalement passifs

Cette étude sur la présence des femmes dans la presse francophone de Belgique a été réalisée une première fois en 2011 à l’initiative de l’AJP (Association des Journalistes de Presse). Il était important, trois ans plus tard, d’examiner l’évolution de la diversité dans nos principaux quotidiens (Le Soir, La Libre, La Dernière Heure, L’Avenir, Sudpresse, Metro).

Les résultats de l’analyse, portant sur 2013-2014, confirment les grandes tendances dégagées de la première étude et montrent quelques rares changements. Ces derniers, quand ils ne sont pas liés aux différences entre les échantillons, indiquent des évolutions parfois positives qu’il est nécessaire de pointer et d’encourager.

  • Les femmes représentent toujours moins de 18% des intervenants (17,31%). Elles sont pourtant 51% de la population belge.
  • Elles gagnent environ 4% de présence dans les thématiques politiques et économiques.
  • Il y a un traitement médiatique différencié entre hommes et femmes en matière d’identification : là où les hommes sont souvent bien identifiés (ils forment 84% des identifications complètes – nom, prénom et profession), les femmes ne bénéficient pas de ce traitement : c’est dans l’identification par le seul prénom que la part de femmes est la plus importante (41%).
  • C’est dans les rôles passifs que les journaux leur accordent le plus de place : 28% de femmes « figurantes individualisées ». On ne constate aucune évolution de la présence des femmes dans les rôles d’experts et de porte-parole, occupés par des hommes à 86%, comme en 2011.
  • La parité de présence hommes/femmes se retrouve dans une seule catégorie d’âge, les 13-18 ans. Partout ailleurs, les femmes disparaissent de l’info.
(Extrait du communiqué de l’AJP, 2015).

Pour citer cette analyse :

Florence Laffut, " Médias audiovisuels : où sont les femmes ?. ", Collectif contre les violences familiales et l’exclusion (CVFE asbl), septembre 2015. URL : https://www.cvfe.be/publications/analyses/210-medias-audiovisuels-ou-sont-les-femmes

Contact :  Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser. – 0471 60 29 70

Avec le soutien du Service de l’Education permanente de la Fédération Wallonie-Bruxelles et de la Wallonie.


 Notes :

[1] « Ironique, cette expression désigne un comportement ridicule ou une situation absurde. Expression en vogue chez les jeunes, elle tire sa signification des organisations de chambrées. L'organisation et le rangement doivent y être impeccables et rien ne devrait dépasser (surtout pas des sous-vêtements !). Or, quand la fin du service arrivait, les militaires se rebellaient contre l'autorité en organisant des "fêtes du slip", décoraient les garnisons de sous-vêtements et avaient des comportements absurdes pour défier les militaires » (http://www.linternaute.com/expression/langue-francaise/13975/fete-du-slip/).

[2] Article posté le 7 mars 2014.

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