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Coût de la violence conjugale en Belgique : les recommandations du Conseil de l’Egalité des chances entre hommes et femmes

Dans le prolongement du rapport scientifique sur le coût de la violence conjugale dans l’Europe des 25, publié en 2009 avec le soutien du programme DAPHNE, le Conseil de l’égalité entre les femmes et les hommes a souligné dans un avis le retard accumulé par la Belgique en ce domaine, faute d’avoir réussi à harmoniser les politiques criminelles des différents parquets, ainsi que les principes d’encodage des faits liés à la violence conjugale.

 

Dans un précédent article, nous avons évoqué les conclusions d’une étude menée de 2006 à 2008 avec le soutien du programme européen DAPHNE II 2006 et publiée en 2009. Il s’agissait d’évaluer le coût social et financier de la violence conjugale en Europe, en tenant compte à la fois des coûts médicaux (soins hospitaliers et médicaux), des coûts judiciaires (frais de police, de justice, d’emprisonnement) et des coûts sociaux (manque à gagner pour l’économie lié aux congés de maladie, aux périodes d’emprisonnement, etc.) induits par la violence conjugale[1].

Se référant à cette étude, le Conseil de l’égalité des chances entre les femmes et les hommes a émis en 2012 un projet d’avis sur l’estimation du coût de la violence conjugale[2]. Le texte fait observer que la Belgique est extrêmement discrète en matière de recherche fondamentale et d’élaboration de données chiffrées sur la violence conjugale.

Il signale également que l’estimation fournie par l’étude Psytel se fonde « sur l’hypothèse que chez nous la prévalence des VC est semblable à celle du pays de référence (ici la France) » et que dès lors « notre pays n’a pas la possibilité de mesurer réellement l’efficacité des mesures politiques proposées ni de comparer réellement celles-ci à celles des pays disposant de leurs propres données réelles »[3].

L’avis considère également que « la révélation de l’ampleur du coût de la violence conjugale doit permettre de sortir celle-ci de son confinement dans une alcôve de la politique » afin de fournir aux pouvoirs publics des informations fiables pour «adopter des mesures de prévention dont l’efficacité sera mesurable en termes budgétaires », ainsi que pour sensibiliser davantage la société au problème, notamment les acteurs les plus directement concernés, comme les employeurs[4].

En conclusion, l’avis invite « le gouvernement fédéral à coordonner des travaux de socio-économie permettant d’établir, dans le contexte des comparaisons européennes déjà élaborées, une estimation réelle du coût de la violence conjugale en Belgique et d’en utiliser les résultats comme base d’une politique de prévention »[5].

A travers cet avis, le Conseil manifeste que sa principale préoccupation, en préconisant la mise en place d’une étude sérieuse des coûts sociaux et financiers engendrés par la violence conjugale, est de rassembler un appareil statistique fiable permettant de définir une politique de prévention cohérente au niveau du pays.

Cependant, pour mieux comprendre l’argumentaire général de l’avis, nous avons interrogé le service spécialisé en matière de violence conjugale de l’Institut pour l’égalité entre les hommes et les femmes. Les explications qui suivent s’inspirent des réponses que nous avons reçues de l’Institut[6].

Première question : peut-on affirmer que la Belgique n’est nulle part en matière d’enregistrement de statistiques concernant la violence conjugale ? Pas tout à fait, nous dit-on l’institut.

Trois études de prévalence

D’une part, trois études statistiques sur la prévalence[7] de la violence exercée à l’égard des femmes et des hommes ont été réalisées jusqu’à présent en Belgique. En 1988, cette étude ne concernait que la violence envers les femmes, alors qu’en 1998, il s’agissait des femmes et des hommes.

En 2008, c’est l’Institut pour l’égalité des hommes et des femmes qui a confié cette étude au Centre Liégeois d'Etude de l'Opinion (CLEO) de l'Université de Liège et au Département Experimenteel-Klinische en Gezondheidspsychologie de l'Université de Gand. Cette étude s'est déroulée de septembre 2008 à décembre 2009. Elle a été publiée en 2010.

Selon l’Institut, cette dernière étude « a permis d’apporter des réponses relatives aux faits de violence qui ne sont pas comptabilisés par les statistiques officielles. Cependant, nous ne disposons pas de chiffres plus récents dans la mesure où une nouvelle étude de prévalence n’a pas été lancée depuis lors. »

Un encodage statistique non uniformisé

D’autre part, un certain nombre de mesures ont été prises plus récemment, mais leur efficacité est sujette à caution. En effet, l’adoption de la circulaire COL3 en 2006, à l’initiative de la ministre de la justice et du collège des procureurs généraux, a rendu obligatoire l’encodage des faits de violence intrafamiliale au niveau de la police et des parquets. Cependant, il n’existe pas de méthode d’enregistrement uniforme des faits en question dans l’ensemble des arrondissements judiciaires du pays, pas plus qu’il n’y a de politique criminelle uniformisée entre les zones de police et les arrondissements.

Notre interlocuteur poursuit : « Un projet-pilote avait également été mené au niveau des hôpitaux, mais aucune suite n’a été donnée concrètement aux recommandations de ce projet. Dans le domaine des services psycho-médico-sociaux, il existe aussi des pistes afin d’assurer une collecte de données à tous les niveaux. A l’heure actuelle, l’ensemble de ces données ne sont pas centralisées au sein d’un document spécifique. »

Première conclusion : malgré l’obligation d’encodage contenue dans la COL3/2006, il n’existe pas actuellement en Belgique de statistiques fiables concernant les faits de violence conjugale. Or, nous dit-on à l’Institut, l’enjeu constitué par des statistiques précises est très important.

Indicateurs et chiffres genrés

Sous la présidence danoise de l’UE, une série d’indicateurs permettant de mieux mesurer l’impact de la violence conjugale a été élaboré. Ces indicateurs abordent le profil des femmes victimes, le profil des hommes auteurs, le soutien aux victimes, l’aide aux auteurs, la formation des professionnels, les politiques et mesures législatives et enfin l’évaluation. L’Institut souligne son souci actuel d’utiliser cette batterie d’indicateurs : « Il y aurait lieu de mieux recourir à cette liste d’indicateurs pour suivre l’évolution des politiques menées en Belgique afin de lutter contre la violence entre partenaires. »

Autre grosse difficulté dans la mise en place d’un appareil statistique : la nécessité de disposer de statistiques « genrées », c’est-à-dire classées selon le genre masculin ou féminin des personnes concernées. « Actuellement, les statistiques officielles (par exemple, le nombre de plaintes déposées auprès de service de police), ne permettent pas de connaître de chiffres distincts selon le sexe de la victime ou de l’auteur, nous dit l’Institut. Les données disponibles ne peuvent donc concerner que le nombre de plaintes par type de violence (physique, psychologique, économique et sexuelle). Des données plus précises exigeraient une demande spécifique auprès du service de statistiques policières. Néanmoins, il convient de signaler qu’il n'y a pas d’enregistrement systématique selon le sexe, l'âge et la relation entre victime et auteur. Les données manquent donc de fiabilité en raison de procès-verbaux incomplets. »

Que faire et dans quel but ?

Pour l’IEHF, il serait bon de relancer « une étude spécifique à la Belgique afin de mesurer le coût direct et indirect engendré par la violence. Dans la mesure où ce type de travaux viserait l’ensemble du territoire, à l’image de l’étude de 2010 précitée, ce projet devrait certainement être entrepris au niveau fédéral afin de veiller au caractère national de la recherche. Malheureusement, étant donné le contexte budgétaire difficile actuellement, l’Institut n’est pas en mesure de financer un projet de recherche d’une telle ampleur. »

Il faut savoir que l’étude publiée en 2010 par l’Institut a nécessité un budget de plus de 160.000 €. L’Institut est favorable à la mise sur pied d’une telle étude et espère que le monde politique pourra la mettre à son agenda durant la prochaine législature fédérale.

Pour l’Institut, un appareil statistique et budgétaire de ce type serait d’une grande utilité. D’une part, en permettant de chiffrer précisément le coût entraîné par les faits de violence conjugale, cet outil rendrait mieux visible l’impact de celle-ci sur la société dans son ensemble et mettrait en évidence l’ensemble des personnes et des associations impliquées dans la prise en charge des victimes, des enfants et des auteurs concernés.

De plus, l’importance considérable des budgets « curatifs » nécessaires soulignerait indirectement, dans le contexte budgétaire difficile que l’on connaît, le bénéfice réalisable en investissant dans un travail de prévention à long terme plutôt que dans des investissements s’inscrivant dans une politique à court ou à moyen terme, en espérant retirer les effets positifs le plus rapidement possible.

L’IEHF conclut en disant : « Déterminer l’ampleur du coût de la violence pour les pouvoirs publics inciterait peut-être ceux-ci à investir plus de moyens sur le long terme. Cela mettrait également l’accent sur les moyens humains et le temps consacré par les pouvoirs publics (secteur policier, judiciaire, médicale, etc.) à la problématique. Enfin, cela attirerait l’attention sur la charge de travail déployée également par le milieu associatif et valoriserait leurs importants efforts menés quotidiennement. Plus globalement, connaître le coût de la violence permettrait d’aller au-delà des discours et de faire de la violence conjugale une réelle priorité politique, à l’image de ce qui se fait pour d’autres thématiques de société bénéficiant de moyens financiers plus importants. ».

Conclusion

L’avis du Conseil de l’égalité des chances entre les femmes et les hommes sur l’estimation du coût de la violence conjugale souligne d’abord que l’estimation fournie par le rapport scientifique DAPHNE II 2006 est une extrapolation réalisée à partir d’un calcul valable pour la France et qu’en tant que telle, elle n’a guère qu’une valeur indicative par rapport à la situation belge. Dès lors, le problème de l’estimation objective du coût de la violence conjugale en Belgique reste entier.

Après avoir soutenu la troisième étude nationale de prévalence en 2008, l’Institut n’a plus aujourd’hui les moyens financiers de récidiver et il compte sur le gouvernement fédéral pour mettre le projet à son agenda après les élections législatives du 25 ami 2014.

En mettant en évidence les coûts socio-financiers engendrés par la violence conjugale, une telle étude donnerait de la visibilité à l’ensemble des acteurs publics et associatifs qui interviennent auprès des victimes, des enfants et des auteurs et soulignerait l’intérêt de mettre au point des politiques préventives à long terme.


Pour citer cette analyse :

René Begon, "Coût de la violence conjugale en Belgique : les recommandations du Conseil de l’Egalité des chances entre hommes et femmes", Collectif contre les violences familiales et l’exclusion (CVFE asbl), novembre 2013. URL : https://www.cvfe.be/publications/analyses/243-cout-de-la-violence-conjugale-en-belgique-les-recommandations-du-conseil-de-l-egalite-des-chances-entre-hommes-et-femmes

Contact :  Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser. – 0471 60 29 70

Avec le soutien du Service de l’Education permanente de la Fédération Wallonie-Bruxelles et de la Wallonie.


Notes :

[1] Begon (René), « L’estimation du coût financier de la violence conjugale en Europe : seize milliards d’€ par an », Liège, CVFE, 2013, 5 pages (www.cvfe.be).

[2] Conseil de l’égalité des chances entre hommes et femmes, « Avis n° 132 du 9 décembre 2011 du bureau du Conseil de l’égalité des chances entre les hommes et les femmes sur le coût public de la violence entre partenaires », 2011, 5 pages. Ce Conseil, qui existe parallèlement à l’Institut pour l’égalité entre les hommes et les femmes, est une instance d’avis instituée par la Fédération Wallonie-Bruxelles.

[3] « Avis n° 132 », loc. cit., page 4.

[4] Ibidem.

[5] Ibidem, pages 4-5.

[6] Les précisions que nous donnons ici nous ont été fournies par M. Nicolas Belkacemi, collaborateur de l’Institut pour l’égalité entre les hommes et les femmes.

[7] « En épidémiologie, la prévalence est une mesure de l'état de santé d'une population à un instant donné. Pour une affection donnée, elle est calculée en rapportant à la population totale, le nombre de cas de maladies présents à un moment donné dans une population (que le diagnostic ait été porté anciennement ou récemment). La prévalence est une proportion qui s'exprime généralement en pourcentage. » (Wikipedia, article « prévalence »).

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