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en Éducation Permanente

Poids des stéréotypes et mixité

Les stéréotypes concernant les rôles masculins et féminins ne s’arrêtent pas aux portes du CVFE : ils continuent à influencer le public féminin et, dans une certaine mesure, les intervenants et les intervenantes. Que révèle, aux yeux de ces dernières, la présence d’hommes dans leur milieu de travail particulièrement spécifique ?

 

En tant qu’association féministe, le CVFE est sensible à la question de la répartition traditionnelle des rôles entre hommes et femmes et à l’influence que les stéréotypes de genre peuvent avoir sur la place des femmes et des hommes dans la société. D’un côté, l’association considère la violence conjugale comme la pire manifestation de l’inégalité entre les femmes et les hommes. Par ailleurs, au sein du centre de formation SOFFT, on insiste fortement sur l’enjeu des métiers non-traditionnellement féminins, comme certains métiers du bâtiment, de l’industrie ou de l’informatique. Dès lors, il est intéressant de voir, à travers les témoignages des intervenantes, dans quelle mesure les stéréotypes restent actifs dans l’esprit des usagères des services du CVFE et éventuellement des collègues du CVFE.

Genres et stéréotypes

Lorsque l’enjeu de genre prédomine dans une activité, il n’est pas indifférent que l’intervenant soit une femme ou un homme : c’est le cas pour l’atelier « Système D » (initiation aux travaux manuels) de la formation LEA. Son animatrice : « Si c’était un homme qui donnait l’atelier ‘bricolage’ que je donne, je me dis que cela ferait moins réfléchir les participantes. Ce que je remarque souvent dans le regard de femmes de LEA quand je donne l’atelier, c’est une forme d’étonnement parce que je peux aborder des sujets qui sont généralement abordés par des hommes et souvent elles me le disent. Résultat : j’ai une étiquette d’homosexuelle ou de féministe, ou les deux. Alors, à un moment donné, je leur dis que j’aime beaucoup les hommes, mais que je suis effectivement féministe. Pour elle, le bricolage, c’est exclusivement masculin. Il est impensable qu’une femme bricole… Elles sont très surprises et je suis sûre que si c’était un collègue masculin qui leur donnait cet atelier-là, il n’y aurait déjà pas de questionnement par rapport à cette problématique de genre, certains débats ne s’ouvriraient pas. On a énormément de discussions qui débouchent sur la problématique de genre et la mixité. Avec un homme, cela n’aurait pas lieu : un formateur vient expliquer son savoir, point à la ligne. »

« Les stéréotypes ont la vie dure », semble nous dire une intervenante de l’équipe « Enfants » : « Je pense qu’il y a tout un côté imaginaire lorsqu’un homme s’occupe de femmes. Les travailleurs du refuge sont sollicités par les femmes hébergées par rapport à certaines choses, comme remettre un fusible ou porter un truc lourd. On peut observer cela chez les femmes, mais aussi chez les enfants. Je ne suis pas sûre qu’en soirée, une femme hébergée qui se trouverait sans serviette hygiénique irait trouver l’homme qui fait la permanence de soirée. Très vite, elles vont pouvoir aller trouver notre collègue psychologue pour avoir un soutien psychosocial, car c’est quelqu’un qui sait vraiment écouter, mais de là à dépasser certaines choses par rapport à la sexualité notamment ou par rapport à des problèmes purement féminins, je ne suis pas sûre que cela se ferait. Je pense que là, il y a effectivement une différence dans la relation du public avec les hommes par rapport aux intervenantes. »

Au sein du refuge, certaines femmes hébergées ont des réticences à s’adresser à des hommes pour avoir un soutien psycho-social ou un entretien. La même intervenante : « Au départ, je pense que les femmes hébergées sont désarçonnées, résistantes face à un homme. Ensuite, à un moment donné, face à leurs compétences, elles reconnaissent qu’ils peuvent les aider. Ce n’est pas une règle absolue : cela dépend de quelle femme il s’agit. Je pense qu’il y a des femmes qui ne s’y feront jamais de devoir dévoiler certaines choses à un homme, etc. Et puis d’autres qui arrivent, à un moment donné, à dépasser ça, parce que, effectivement, elles se rendent compte qu’elles sont face à quelqu’un de pacifique, de non-dangereux… »

Multiculturalité, séduction et pratique professionnelle

Autre question abordée : des phénomènes affectifs ou sentimentaux peuvent-ils venir interférer dans les relations professionnelles des intervenants masculins et du public féminin ? Tout d’abord, au sein du refuge : « Les femmes qu’on reçoit chez nous ne sont pas habituées à cette image d’homme avenant, à l’écoute. Donc, elles découvrent des hommes qui agissent d’une manière différente de celle qu’elles connaissent, en fait. On leur a dit que tous les hommes ne sont pas violents, mais là, c’est vraiment du concret. Dès lors, elles tombent souvent amoureuses des intervenants. »

Une intervenante de l’équipe « Enfants » : « On ne peut pas exclure qu’il existe des clichés sexistes chez certaines femmes aussi : si un homme est gentil avec une femme, c’est qu’il cherche à la séduire et aller voir autre chose. C’est comme quand les enfants disent ‘Ah ! Vous êtes amoureux’ à des collègues hommes-femmes qui s’entendent bien et travaillent ensemble… Je crois que les femmes, elles-mêmes interprètent la gentillesse, la qualité de l’écoute des intervenants comme un signe qu’ils essaient de les séduire. »

La première intervenante : « En plus de la différence entre femmes et hommes, il existe au refuge un brassage de cultures différentes : tout est interprété par rapport à l’éducation et à la culture de chaque femme. Quand les femmes venues d’ailleurs, qui ont d’autres représentations de la gent masculine que les Belges, se trouvent en présence d’un intervenant qui est très gentil, à l’écoute, elles se disent souvent qu’il leur fait du charme. J’ai déjà eu de grosses discussions avec une dame qui a malheureusement vécu ça très mal. Elle ne comprenait pas pourquoi l’intervenant était si gentil. Je lui ai dit qu’à la limite, c’est parce qu’il est payé pour ça, il est payé pour écouter les femmes, alors qu’elle croyait qu’il était gentil seulement avec elle, parce que justement elle lui plaisait. Ce sont des moments très difficiles à vivre et aussi pour nous, parce qu’on voit cette femme dans une nouvelle souffrance et j’imagine que pour l’intervenant, ça doit être très difficile aussi. »

Est-ce que le phénomène peut intervenir au sein des groupes du centre de formation SOFFT ? La responsable pédagogique : « Dans nos groupes, cela peut arriver également, cela fait évidemment partie des choses qu’on peut avoir à analyser, quand on réfléchit à ce qui se passe dans un groupe. Un de nos animateurs y a été confronté dernièrement, mais il n’en était pas conscient avant qu’on l’évoque en réunion d’équipe. Il faut bien sûr y être attentif, mais ça ne concerne pas uniquement les relations entre les participantes et les formateurs. Cela s’est déjà produit par rapport à une formatrice… Quand on est dans un rapport professionnel, c’est un élément important qui peut perturber le travail et il faut s’en préoccuper. Quand ça arrive dans un groupe, ce n’est pas facile à gérer, qu’on soit un homme ou une femme… »

Intégration et identité

Dernière question : quels types de difficultés peut rencontrer un homme immergé dans un milieu de travail majoritairement féminin ? Pour la responsable pédagogique de SOFFT, c’est plutôt vis-à-vis des collègues que du public qu’il peut y avoir une certaine difficulté d’adaptation : « Pour moi, c’est particulièrement vis-à-vis de l’équipe où ils sont minoritaires que les travailleurs masculins peuvent éventuellement rencontrer des difficultés. Je perçois une difficulté liée à cet aspect minoritaire, mais plutôt par rapport au travail en équipe que par rapport au public. D’autre part, il y a les temps de midi :au réfectoire, où on est assis autour de tables mises en carré, c’est un moment où il apparaît clairement qu’ils sont minoritaires. Chez SOFFT, on parle d’actualité, de politique, de cinéma, pas particulièrement de chiffons ou de bébé. Mais cela peut arriver que des discussions de femmes ennuient certains collègues. L’un d’entre eux a cessé de venir aux repas pendant un certain temps et il a expliqué pourquoi. On en a discuté, on a fait peut-être plus attention et il est revenu. »

Cependant, une intervenante du refuge relativise un peu cette perspective : « C’est sans doute lié au fait que la majorité du personnel est féminin. Mais parfois même les femmes qui n’ont pas de bébé en ont marre de ces discussions de layette qu’entreprennent les jeunes mères. »

Enfin, un homme bien intégré dans une équipe féminine ne peut-il pas finir par avoir des doutes sur sa propre identité ? « Je me rappelle la réaction d’un collègue dans le grand bureau du refuge. On était en train de parler de problèmes féminins, comme les règles, etc. Il m’a fait une réflexion en disant qu’à certains moments il avait l’impression qu’on ne le voyait même plus en tant qu’homme. Il avait l’impression à la limite de ne plus avoir d’identité en tant qu’homme parce qu’on parlait devant lui de trucs extrêmement intimes et féminins. Il avait du mal à le supporter… »

Conclusion

Animé par une femme, l’atelier « Système D » au sein du module LEA (apprentissage de savoir-faire techniques considérés comme plutôt masculins) constitue une sorte d’analyseur des stéréotypes liés aux rôles masculins et féminins : l’animatrice constate que les participantes ont du mal à comprendre qu’une femme s’occupe de travaux manuels, car, pour elles, c’est le domaine réservé des hommes. Heureusement, cette approche permet d’aborder les questions de genre et de rôles masculins/féminins.

Le même type de stéréotypes liés au genre explique que les femmes hébergées s’adressent aux intervenants du refuge pour des questions qui relèvent du bricolage ou de la force physique, mais beaucoup plus difficilement pour des problèmes plus intimes.

Quand on se situe dans un rapport professionnel hiérarchique, la question de la séduction dépasse la simple relation entre les sexes. Toutefois, dans le contexte du refuge où se côtoient des femmes d’origines diverses, cette question devient indissociable d’une réflexion interculturelle concernant les différences entre les comportements masculins et féminins. En effet, il peut arriver que des attitudes adoptées par des intervenants masculins (gentillesse, capacité d’écoute) soient considérées comme féminines dans la culture d’origine et qu’elles soient interprétées comme des démarches de séduction par les usagères.

Dernier point : majoritaires, les travailleuses féminines utilisent l’espace des pauses de midi pour se retrouver entre elles et échanger. Parfois, les travailleurs masculins se sentent exclus de ces discussions et ont tendance à s’en distancer. Il faut être attentif à ce type de situation et permettre à des éventuelles frustrations de s’exprimer afin de rétablir une atmosphère acceptable pour chacun-e.


Pour citer cette analyse :

René Begon, "Poids des stéréotypes et mixité", Collectif contre les violences familiales et l’exclusion (CVFE asbl), décembre 2011. URL : https://www.cvfe.be/publications/analyses/284-poids-des-stereotypes-et-mixite

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Avec le soutien du Service de l’Education permanente de la Fédération Wallonie-Bruxelles et de la Wallonie.


 

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